« Félicité », l’oeuvre cinématographique d’Alain Gomis, en salle depuis mercredi

[Bons plans/ Good tips and hot spots]

Le dernier long-métrage d’Alain Gomis est actuellement en salle depuis mercredi. Le film, primé récemment à la Berlinale  puis au Fespaco met en scène, « Félicité » une chanteuse congolaise, dont la vie bascule le jour où son fils est victime d’un accident de moto. S’ensuit alors, une course interminable et pénible dans les rues grouillantes de Kinshasa pour tenter de le sauver. Deux choix s’offrent à elle : se laisser totalement aller à la dérive ou accepter purement et simplement sa destinée.

Entretien avec Alain Gomis à venir

Bande annonce / Trailer

Alain Gomis’ last long film has been released this Wednesday. The movie which was awarded  at the Berlin Film Festival  and at the Ouagadougou Fespaco, features « Félicité », a Congolese singer, whose life is turned upside down the day her son is injured in a motorcycle accident. It follows, then a long and agonizing race on the Kinshasa crowded streets so that to save her son’s life. She has two options : drifting or accepting her destiny.

Interview with Alain Gomis coming soon…

Affiche du film / Film’s poster

felicite

« Esperanto », la pièce de danse solo de Gwen Rakotovao

Photo Copyright Mustafa Bilge Satkin
« ESPERANTO », LA PIECE DE DANCE DE GWEN RAKOTOVAO – VERSION FR
Après maintes représentations sur la scène de nombreuses salles en France et à l’étranger (dernièrement avec la compagnie de danse YK Projects à Berlin et au Nigéria dans la production de We Almost Forgot), Gwen Rakotovao, pose, cette fois-ci, ses valises à Paris, le temps de préparer Esperanto, sa nouvelle pièce de danse solo.

Riche de ses expériences et de ses compétences, la talentueuse danseuse de 26 ans, formée à l’Institut Rick Odums à Paris et à la prestigieuse école de danse Alvin Ailey de New-York, compte bien apporter une touche d’optimisme dans ce contexte actuel pesant en misant sur sa double culture, française et malgache, pour fédérer le public et « diffuser les couleurs de l’humanité ». Je suis fière d’être malgache et je suis aussi fière d’être française et ça ne devrait pas déranger. Cela devrait être une richesse. Je crois qu’il est temps de faire la paix avec notre histoire commune malgré que ce soit une histoire violente. Il faut avancer et être fier de notre diversité, souligne-t-elle.

La pièce, porteuse d’espoir et d’harmonie, est l’aboutissement d’un projet conçu dans le cadre d’une résidence artistique qui a eu lieu en juillet dernier dans le Finistère et dont l’ébauche a été accueillie chaleureusement par le public breton.
Gwen Rakotovao, qui se veut messager de la paix, présentera la Première samedi 14 janvier en Normandie puis à Paris.
En attendant, nous vous invitons à soutenir le projet en cliquant sur le lien suivant :

https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/esperanto–2

Découvrez l’univers de Gwen Rakotovao :

« ESPERANTO », GWEN RAKOTOVAO’S SOLO DANCE PIECE – ENG VERSION
 
After she has performed in many  dance theaters, in France and abroad (lately with the YK Projects‘s dance company in Berlin and Nigeria for the production of  We Almost Forgot), Gwen Rakotovao, has decided to settle in Paris for a while, just the time to work on « Esperanto », her next solo dance piece.
 
With her wealth of experience and competencies, the 26-year-old talented dancer, who attended the Paris Rick Odums Institute and also the prestigious New-York based  school Alvin Ailey, is willing to inject a note of optimism in this current difficult context, sticking to her  multicultural identity, French and Malagasy, so that to bring the audience together and « convey the colours of humanity ». « I am proud of being Malagasy and also proud of being French and that should not disturb. That should be a wealth. I think it is high time to come to terms with our common history although it is a violent one. We need to move forward and be proud of our diversity », she stresses.
 
The piece, that brings hope and  harmony is the culmination of a project created during the Artistic Residency that took place in Finistere (a French Department) last July and whose excerpt from the show was warmly welcome in Brittany.
 
Gwen Rakotovao, who is acting as a messenger of peace, will introduce the dance piece on Saturday 14 January 2017 in Normandy and in Paris.
 
In the meantime, we invite you to support the project just clicking on the following link :

https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/esperanto–2

Discover the world of Gwen Rakotovao :

 

 

FINDING FELA – Alex Gibney’s documentary

FINDING FELA – LE DOCUMENTAIRE D’ALEX GIBNEY – VERSION FR

Finding Fela , dont l’avant-première a été diffusée pour la première fois en France au  FNCD (Festival des Nouveaux Cinémas Documentaires) sort en DVD et VOD le 5 Juillet 2016.

Réalisé par Alex Gibney, le documentaire retrace la vie de Fela Anikulapo-Kuti, génie de l’afrobeat mais aussi activiste ardent, qui n’a pas hésité à réquisitionner la scène pour dénoncer les injustices sociales ainsi que la corruption du gouvernement nigérian dans les années post-coloniales.

Ses discours et textes engagés, associés à une musique libre et spontanée forment un cocktail explosif et indigeste pour les autorités nigérianes qui tentent de le museler à plusieurs reprises, en vain. Tantôt jeté en prison ou encore battu par les militaires, sa détermination, chaque fois plus grande, fait de lui le porte-parole incontestable de tout un peuple.

Une comédie musicale lui a rendu hommage à Broadway et le spectacle connait un succès remarquable.

Finding Fela, un documentaire riche et percutant à ne pas manquer. Voici un extrait…


FINDING FELA – ALEX GIBNEY’S DOCUMENTARY – ENGLISH VERSION

« Finding Fela » , which was premiered at the FNCD (Festival of New Documentary Filmmaking) will be released in DVD and VOD  5th July 2016.

Directed by Alex Gibney, the documentary relates the life of Fela Anikulapo-Kuti, an afro-beat genius and also a prominent activist who did not hesitate to take the stage and denounce social injustices as well as the Nigerian government corruption in the years following independence.

His engaged speeches and words, associated to a free and spontaneous music make an explosive and indigestible cocktail for the Nigerian authorities which try to muzzle him many times, in vain. Sometimes, thrown in jail or beaten by the army, his determination that grew each time in strength made him a strong voice for people.

A musical has payed tribute to the emblematic figure and the show has a successful run on Broadway.

« Finding Fela », a rich and powerful documentary not to miss. See trailer above…

 

« Ce qu’il reste de la folie » — un film de Joris Lachaise

Le documentaire de Joris Lachaise, Ce qu’il reste de la folie, sort ce mercredi 22 juin au cinéma à Paris. Le réalisateur, accompagné de la romancière et cinéaste sénégalaise Khady Sylla, tente de comprendre cette folie qui affecte les malades de l’hôpital psychiatrique de Thiaroye, situé dans la banlieue de Dakar.

Les témoignages des pensionnaires de l’hôpital, tantôt ponctués par des sursauts de lucidité, nous amène à réfléchir sur les différentes voies de guérison possibles.

Médecine traditionnelle ou médecine moderne ?

La réponse en image…

Joris Lachaise’s documentary, « Ce qu’il reste de la folie » will be in theater this wedneday 22 June 2016 in Paris. The Director, accompanied by writer and filmmaker Khady Sylla tries to understand the insanity that affects the patients of Thiaroye’s mental hospital located in the suburbs of Dakar.

Residents’ testimonies, sometimes punctuated by rises of lucidity, prompt us to reflect on the different possible paths of healing.

Traditional medecine or modern one ?

The answer in the trailer…

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Le professeur de violon – un film de Sérgio Machado

« Le professeur de violon » réalisé par le brésilien Sérgio Machado sort en salle ce mercredi 22 juin 2016. Tiré d’une histoire vraie, le film est centrée sur le personnage  de Laerte, un violoniste virtuose de São Paulo qui voit sa vie basculer suite à une audition ratée. Désespéré, il est contraint d’enseigner la musique dans la favela d’Heliópolis pour gagner sa vie. Face à une classe indisciplinée et médiocre, Laerte trouve très vite son nouveau défi : relever le niveau des étudiants et imposer la musique comme outil de civilisation dans un quartier où la drogue et la violence sont omniprésents.

Bien que le film sonne comme un cliché, il a le mérite de mettre l’accent sur le problème des inégalités sociales qui frappe depuis toujours le Brésil et qui est aujourd’hui au coeur de l’actualité du pays.

Pour ceux qui veulent prolonger la Fête de la musique, voici le trailer / For those who wish to extend the summer music Festival here is the trailer : 

« Le Professeur de Violon » directed by Brazilian filmmaker Sérgio Machado will be released in theather this wednesday 22 June 2016. Based on an inspiring true story, the movie centres on Laerte’s character, a São Paulo based virtuoso violonist, whose destiny takes a major turn the day he fails to his audition. Desperated, he is forced to teach music in the favela of Heliópolis to earn a living. Confronted to a marginal and poor school class, Laerte quickly faces a new challenge : improving the level of students and imposing music as a civilisation tool in an area where drugs and violence are part of the everyday life.

Although the movie sounds like a cliché, the film has the merit of pointing out the issue of social inequalities that affects Brazil for ages and which is currently at the heart of the country’s news.

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« World » – by Dutch photographer Ruud Van Empel

Ruud Van Empel est un artiste visuel néerlandais, connu pour sa technique d’assemblage photos réalisé sur ordinateur. A partir de plusieurs clichés pris séparément, il réussit la prouesse  de re-créer  des images quasi parfaites qui font aujourd’hui de lui un artiste hors-normes. Dans sa série « World », réalisé en 2005 et exposé dans plusieurs musées internationaux, il utilise cette technique très personnelle pour  mettre en scène des enfants dans un univers presque irréel et révèle en même temps « l’innocence, symbole de la beauté ». Entretien avec Ruud Van Empel, un artiste hors du commun.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours en quelques mots   ?

J’ai été diplômé avec distinction de l’Académie des Beaux Arts de St Joost à Breda (Pays-Bas). Au milieu des années 90, j’ai décidé de me concentrer sur le métier d’artiste visuel. Mes premières séries de photo s’intitulent The office (1995-2001), Study for Women (1999–2002) and Study in Green (2003). Je l’ai présenté dans une exposition individuelle au Musée de Groninger sous le titre de Waterpas of Optisch recht ? (Plat ou optiquement droit ?). Mais je dois ma percée internationale aux séries intitulées World, Moon, Venus (2005–2008)…Elles ont été exposées pour la première fois au Picture Eden, une exposition organisée par Déborah Klochko au George Eastman House (Rochester, NY). Après cela, j’ai eu des expositions individuelles dans plusieurs musées : les musées de Groninger, de Noord Brabant et de Het Valkhof au Pays-Bas, le musée de Fotografiska à  Stockholm en Suède, le Musée des Arts Photographiques de San Diego aux Etats-Unis et le Musée de la photographie d’Anvers en Belgique.

Ruud Van Empel en images…par Erik Van Empel / Ruud Van Empel in images…by Erik Van Empel

La série « world » continue de susciter l’intérêt du public. Pourriez-vous nous expliquer l’histoire derrière cette série ?

J’ai débuté cette série en 2005. Je voulais faire des portraits sur l’innocence et la beauté et j’ai utilisé des clichés de famille réalisés par mon père comme point de départ, des photos de mon frère et moi lorsque nous étions enfants dans les années 60. A cette époque, je travaillais sur la beauté parce que c’est ce qui m’impressionne toujours après plusieurs années. Beaucoup de choses  ne retiennent plus mon attention ou  perdent  leur attractivité au bout d’un certain temps. Les choses évoluent avec le temps. Mais la beauté dure, elle ne perd pas son attractivité et pour moi l’innocence est quelque chose de magnifique tout comme la nature. C’est pourquoi j’ai combiné ces deux élément. En 2004, j’ai réalisé des portraits d’enfants blancs représentant l’innocence mais j’ai été critiqué pour ça parce que les gens disaient qu’ils étaient trop blancs et sous-entendaient que j’avais une raison particulière de faire ça, ce qui était évidemment ridicule. Donc j’ai décidé de travailler ce même concept de beauté et d’innocence sur des enfants noirs car selon moi, il n’y a pas de différence entre un enfant noir et un enfant blanc. Ils sont tous les deux innocents ! Je réalisais que ce n’était pas évident pour tout le monde. Dans l’histoire de l’art, c’est toujours un enfant blanc qui représente le symbole de l’innocence. C’est comme ça que les séries ont commencé et celle-ci est l’une des plus populaires aujourd’hui. Ce travail suscite toujours autant l’intérêt à à l’échelle internationale.

Comment avez-vous réussi à atteindre un tel niveau de perfection ?

Quand je réalise un portrait, je photographie d’abord les modèles dans mon studio avec les mêmes positions et la même lumière que les photos prises par mon père. Ensuite, sur le terrain, je prends, par exemple, des photos de plusieurs arbres et des gros plans de feuilles, de fleurs et d’autres détails que je trouve dans la nature. Au Zoo, je photographie toutes sortes d’animaux. Toutes ces photos sont stockées dans ma base de données que j’exploite quand je suis prêt pour le montage. Celui-ci me prend 2 à 4 semaines pour arriver à un bon résultat. C’est une technique très personnelle que j’ai développé.

Avez-vous un projet particulier sur lequel vous travaillez en ce moment ?

Je travaille toujours sur plusieurs projet à la fois. En ce moment je travaille sur une série de paysage.

Cette photo ci-dessus est notre coup de coeur. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Ce travail est inspiré d’une photographie de ma nièce en 1965 prise à la sortie de l’église le dimanche. Elle était habillée pour l’occasion. Pour la série World, j’ai utilisé les photos prise par mon père dans les années 60 et j’ai re-construit l’image avec des enfants noirs.

Découvrez les oeuvres de Ruud Van Empel sur son site internet : web.ruudvanempel.nl


Ruud Van Empel is a Dutch visual artist , known for his technic of photographic assemblage performed on computer. From different pics taken separately, he managed to re-create near perfect images that, today, provide him an outsider artist status. In his 2005 « World » serie, exhibited in various international museums, he uses this very personal technic to stage children in an unreal universe and unveils at the same time « Innocence as a symbol of beauty ». Interview with Ruud Van Empel, an uncommon artist.

Please tell us about yourself in a few words…

I graduated Cum Laude from the Academie of Art St Joost, Breda (1976–1981). In the mid-
nineties, I decided to develop myself further as a visual artist. My first photo series are
entitled The office (1995-2001), « Study for Women » (1999–2002) and « Study in Green » (2003). I presented this first solo exhibition at  Groninger Museum in 1999 under the title Waterpas of Optisch recht? (Level or Optically straight?). My international breakthrough came with the series of works entitled « World », « Moon », « Venus » (2005–2008)… These were first exhibited in the Picturing Eden exhibition, curated by Deborah Klochko, at the George Eastman House.(Rochester NY) After that I had solo exhibitions in several museums as the Groninger Museum, The Noord Brabants Museum and the Museum Het Valkhof in the Netherlands, Fotografiska in Stockholm Sweden, MoPA in San Diego, USA and the FoMU photography museum in Antwerpen, Belgium.

« World » serie keeps on arousing the interest of the public. Could you explain us the story behind it ?

I started this series in 2005, I wanted to make portraits of innocence and beauty, and used my father’s family photos as a starting point, photos from my brother and I when we were kids in the sixties. I was working with beauty in those days because it is something that keeps impressing me after so many years. Now, many things don’t impress me anymore, and many things loose their attraction after a while. That’s just the way things go when years pass by. But beauty is permanent, it does not loose its attraction, and for me innocence is something beautiful, and so is nature. So I wanted to combine those elements. In 2004, I did several portraits  of white kids portraying innocence, but I was critizised for that because people said they looked too white, and suggested I had a special reason for that, which was ridiculous of course. So I decided I could do the same concept about beauty and innocence with black kids, because as I see it, there is no difference between white or black kids. They are both innocent ! However, I did not realize this was not self-evident for everybody. In the history of Art it was always a white child that was portrayed as the symbol of innocence. This was the first time a black child was portrayed as the symbol of innocence. That is how this series started. It is my most popular series until today, and I still get reactions on this body of work from all over the world.

How did you proceed to reach such level of perfection ?

When I make a portrait I photograph several models in my studio in the same positions and with the same light that the pictures took by my father. On location I  photograph, for example, many trees and many close-ups from leaves, flowers and other details from nature. In the Zoo I take some photos from all kinds of animals. All these photos are placed under a name in my Database that I exploit once  I am ready to make a montage. The latter takes me  2 to 4 weeks to have a good result. The technique I use is very personal and is one that I developed myself.

Are you currently working on a particular project ?

I always work on several project at once. Currently I am working on a series of natural
landscapes.

Your  picture above is our crush ? Can you highlight us about it ?

This work is inspired from a photograph of my niece in 1965. It was taken after she left Church on Sunday, and she was dressed for the occasion. For the « World » series, I used family photos my father took from us as children in the sixties and re-made those images with black kids.

Discover Ruud Van Empel’s artwork on his website : web.ruudvanempel.nl

Aïssatou Touré : l’artiste sénégalaise aux multiples talents

Photo Copyright  Haby Diallo – Festival XEEX – Fresque réalisée par Haby Diallo et Aïssatou Touré

A l’occasion de la Journée de la Femme, je voulais dresser le portrait d’une femme africaine célèbre au parcours remarquable. Une personne qui aurait profondément marqué son temps par ses prises de positions  et dont le courage et la détermination force l’admiration et le respect. J’avais pensé à la première réalisatrice africaine : la sénégalaise Safi Faye…Entre-temps, j’ai découvert, Aïssatou Touré, une jeune graphiste et entrepreneuse, originaire, elle aussi, du Sénégal. Son parcours n’est pas sans rappeler celui de Safi Faye dans la mesure où elle exerce un métier où très peu de femmes sénégalaises s’y illustrent. Elle n’est pas célèbre, je vous l’accorde, mais je suis persuadée que cette jeune femme de 30 ans va, elle aussi, marquer son temps à sa manière et servir de modèle pour les générations à venir. Entretien avec Aïssatou Touré, l’artiste aux multiples talents.

Quel est votre parcours ? Qu’est-ce qui vous a amené à vous orienter dans les arts graphiques ?

Après avoir étudié  l’anglais à l’Université Cheikh Anta Diop pendant un an et demi, un traitement médical m’a contrainte, progressivement, à arrêter mes études. Durant ma convalescence, pour me changer les idées, ma famille m’a encouragé à m’inscrire à une formation en infographie/webdesign. J’avais acquis quelques notions  par ma grande-sœur, qui était webdesigner à cette époque là. Le fait de sortir major de ma promotion  m’a incité, l’année suivante à poursuivre mes études en arts numériques à l’Ecole des Arts Visuels de Dakar. Cela  m’a permis d’acquérir davantage de connaissances et de perfectionnement, notamment en matière de Design, en graphisme et en peinture, grâce à  des professeurs compétents.  Un an après, en 2011, j’ai ouvert mon studio graphique et d’infographie que j’ai appelé Graffiks To’. En 2014, j’ai lancé ma petite marque de vêtements, « GTo’-Urban Wear by Aïssatou T.« . En plus de mes créations textiles je propose également des objets décoration ou d’ameublement peints à la main.

Vous êtes portraitiste, artiste plasticienne, designer en textile, entrepreneuse …Comment vous définissez-vous ?

Souvent, lorsqu’on me demande de me présenter, j’avoue que j’ai un peu de mal.
En effet, à chaque fois que l’on me demande de préciser et de détailler mes activités, je
commence par dire que je suis gérante d’entreprise, designer graphiste, artiste plasticienne, portraitiste, …Je suis le genre d’artiste à ne pas trop vouloir m’exposer…cependant, lorsque le public apprécie mes œuvres et me le fait savoir, cela me va droit au cœur et ça, ça vaut tout l’or du monde. Raison pour laquelle je préfère me définir comme étant une artiste polyvalente, c’est plus simple !

Qu’est-ce qui vous passionne dans votre métier ?

Ce qui me passionne avant tout c’est la recherche d’idées, la source d’inspiration. Car l’art, avant tout, ce n’est pas de s’inspirer de tout ce qui est en rapport avec l’art, mais de s’inspirer absolument de tout, de tout ce qui touche notre environnement et le monde. J’ai toujours  un carnet de dessin et un crayon ou stylo encre à portée de main, ce qui me permet de croquer et d’esquisser rapidement des idées à approfondir plus tard. J’utilise aussi Pinterest, une merveilleuse mine d’inspiration que je recommande à tous les artistes et designers. J’aime également m’inspirer des tenues de personnes que je croise dans la rue, qu’ils soient traditionnels, urbains, africains ou autres. En mixant ces différents styles avec ma propre créativité, il en  ressort, dans mes dessins de mode quelque chose d’assez original. Ensuite, vient la phase de la matérialisation. Que ce soit un portrait, un sac, ou un vêtement, je garde toujours, à l’esprit, les grandes lignes de mon idée et, au fur et à mesure, j’enlève ou je rajoute des éléments à la création. C’est ça qui me passionne.

A-t-il été facile de vous imposer en tant que femme et artiste au Sénégal ?

Je dirais oui en tant que femme et plus ou moins en tant qu’artiste. Depuis plus
d’un demi-siècle, le Sénégal a pu s’illustrer à travers diverses manifestations culturelles grâce à des artistes et acteurs culturels brillants, et notamment des femmes, dans les domaines de la littérature, l’art plastique, théâtral et cinématographique, le design, la danse, etc. Je les remercie énormément, car c’est grâce à elles que de nombreuses femmes aujourd’hui, dont moi-même, peuvent exercer librement divers métiers d’art et s’y imposer, avec de nouvelles formes d’expressions tels que le Slam, la photographie urbaine ou le graffiti. En ce qui me concerne, et c’est là où intervient le plus ou moins, c’est qu’il n’y a pas encore assez de femmes qui exercent l’infographie et le design graphique. Je me rappelle à mes débuts il y a six ans, j’étais un peu hésitante quant à publier mes œuvres sur ma page professionnelle et dans les réseaux sociaux (…) car je ne voyais aucune autre femme en faire autant. On m’envoyait régulièrement des messages (et même jusqu’à présent) pour me demander si c’était bien moi qui avait réalisé ces créations, très complexes… Et avec plaisir je réponds toujours « oui, c’est bien moi, merci beaucoup »!  En fait, au Sénégal, un des principaux problèmes que j’ai pu rencontrer et que peut rencontrer un artiste (homme ou femme), est de ne pas pouvoir se promouvoir comme il le mérite, aussi bien se faire connaître et trouver des lieux d’expositions. Les évènements culturels assez importants comme la Biennale de Dakar par exemple sont périodiques et le coût de la location pour exposer dans certaines galeries peuvent se révéler assez cher. Je tiens à remercier mon amie de longue date et collaboratrice et designer Haby Diallo, qui m’a permis gentiment d’organiser ma première exposition durant la Biennale de Dakar en 2012, dans sa galerie Créas I Am.

Et votre entourage, que pensent-ils du métier que vous avez choisi d’exercer ?

J’ai grandi dans un environnement familial où règnent principalement la culture, les arts
et surtout les lettres. Mes parents ne nous ont jamais obligé mes grandes-sœurs et moi à suivre une voie qui ne nous plaisait pas. Bien au contraire, tous les moyens (y compris le soutien moral) étaient mis en œuvre pour que nous puissions réussir. Mon père (malheureusement décédé l’an dernier) a été Directeur général de la Culture et de la Communication à l’Agence de Coopération culturelle et technique (A.C.C.T., actuelle OIF) et ma maman est une ex enseignante-chercheure à la retraite. Mes parents et mes grandes soeurs ont contribué à développer ma culture générale. Je leur en serai toujours reconnaissante. C’est peut-être ça qui me pousse tous les jours à me dépasser en tant que personne et aussi en tant qu’artiste. Leur avis à chacun compte toujours pour moi, ce qui fait que ma famille est sans aucun doute ma principale source d’inspiration !

Quels sont les graphiques designers que vous admirez ou qui vous inspirent ?

Il y en a beaucoup. Je citerai tout d’abord  les deux tout premiers dessinateurs qui m’ont donné envie de faire du portrait et de l’art graphique quand j’étais enfant : Bernard Dufossé , un dessinateur français de bande dessinée, dont j’appréciais beaucoup le style soigné et esthétique qu’il apportait à ses personnages, notamment les personnages africains. Ensuite, Barly Baruti, un dessinateur congolais de bande dessinée, qui m’a véritablement inspiré et continue jusqu’à présent à m’inspirer dans mon travail en rapport avec l’encrage. Son style est si réaliste que j’avais l’impression que ses personnages allaient commencer à se mouvoir sur la feuille. Ce fut un grand moment pour moi lorsque j’ai pu le contacter et lui faire part de mon admiration pour ses dessins et de découvrir que c’était réciproque. C’est véritablement un grand monsieur, courtois et très sympathique !  Andy Warhol est bien évidemment, une grande source d’inspiration dans mon travail de design textile fait main et mes portraits sur tissu, car il a élevé la sérigraphie au rang d’ art « pop » et contemporain, notamment avec des portraits, des objets du quotidien ou des évènements (…)

Avez-vous un thème particulier sur lequel vous travaillez en ce moment ou envisagez de travailler ?

En ce moment, je travaille sur mes collections à venir pour 2016 : créations vestimentaires, mais aussi de décoration et d’ameublement. Je travaille encore et toujours sur le thème du portrait, mes propres motifs et la sérigraphie fait main (…)  L’un de mes principaux projets est d’organiser chaque année des ateliers artistiques et des activités culturelles comme le théâtre.  Cette année, en particulier, je compte faire participer des personnes handicapées, malentendantes ou malvoyantes issues des différents centres spécialisés du Sénégal. Je pense que l’art est accessible à tous et contribue au bien-être et à  l’épanouissement de chacun.  Je me prépare aussi à participer au Festigraff (Festival International du Graffiti en Afrique/Sénégal) dont la 7ème édition aura lieu à Dakar du 26 Avril au 05 Mai 2016. Ceci après avoir participé au Festival XEEX en Décembre dernier, évènement culturel initié, depuis des années,  par Nicolas de la Carrera, dans le quartier de la Médina, pour la sauvegarde le l’environnement et l’amélioration du cadre de vie de ses populations. Si le temps me le permet, vers la fin de l’année je compte organiser une nouvelle fois une exposition individuelle sur le portrait et mes créations artisanales.

Cette esquisse ci-dessous (Femme artisane à Diourbel) est notre coup de cœur. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

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Ma mère aide depuis plusieurs années déjà des artisans dans toutes les régions du Sénégal. Je me suis inspiré des photographies prises lors de ses voyages dans les communautés rurales pour réaliser  des œuvres entièrement dessinées à l’encre de Chine et au stylo, dont celle-ci avec les femmes artisanes de Diourbel, spécialistes de la vannerie (tressage de paniers) et de la céramique (poterie). C’est aussi une manière de faire connaître davantage les métiers de l’artisanat d’art du Sénégal au public d’ici et d’ailleurs, car faute de moyens beaucoup n’arrivent pas à écouler leurs productions et malheureusement leur savoir-faire risque de disparaître avec le temps. Ainsi, depuis 2013, avec ma caméra je vais à la rencontre des Maitres Artisans spécialisés dans divers domaines et réalise ainsi des webdocumentaires.  L’art et la culture, c’est la base de toutes les civilisations du monde entier et tout  le monde peut s’en inspirer pour aller de l’avant.

Découvrez le travail d’Aïssatou Touré:

 

On the occasion of the International Women’s Day, I wanted to set the background of  a famous amazing African woman. Someone who has deeply marked her time by her opinion and whose courage and determination inspire admiration and respect. I was thinking about the first African filmmaker : the Senegalese Safi Faye…In the meantime, I have the opportunity to interview, Aïssatou  Touré, a young graphic designer and entrepreneur  who is also originated from Senegal. Her artistic path reminds me of Safi Faye’s one as she is carrying on an occupation that is is hold by very few Senegalese women. She is not that famous, I know, but I am persuaded that this young 30-year-old woman will personally mark her time and will be a model for the next generation. Interview with Aïssatou Touré, the multi-talented artist.

 

Whats is your background ? What made you decide to study Graphic Design ? 

After I studied English for one year and a half at Cheikh Anta Diop University, a medical treatment progressively forced me to stop my studies. During my recovery, my family encouraged me to attend a computer graphics and webdesign courses so that I could switch myself off from the disease. I had some notions from my older sister who were a webdesigner at that time. As I came out top of the year the following year, this prompted me to seek further education in digital arts. I acquired further knowledge and training in terms of design, graphic design, painting, thanks to talented teachers. The year after, in 2011, I opened a  graphic design studio, called  Graffiks To’ and I launched my brand of clothing « GTo’-Urban Wear by Aïssatou T. » in 2014. In addition to my textile design, I also create hand-painted decorative items and furniture

You are a portraitist, a visual artist, a textile designer, an entrepreneur…How do you define yourself ?

When I am asked to introduce myself, I often have little trouble. Actually each time
I have to specify orgive details on my activities, I often start by saying that I am an entrepreneur, a graphic designer, a visual artist, a potraitist…I am the kind of artist who doesn’t want to expose myself…However when people show real interest in my artworks and let me know, I am heartened and that is worth all the gold in the world ! This is the reason for why I prefer to consider myself as a versatile artist. It’s easier

What do you like most about your job ?

What is passionating above all is searching ideas, the source of inspiration.  Art is not having inspiration from anything that concerns art but being absolutely inspired from anything and especially things that are linked to our environment and the world. I always have a drawing book and a pencil or an ink pen at hand. That allows me to design and sketch rapidly the ideas to be deepened later. I also use « Pinterest », a wonderful souce of inspiration that I recommend to all artists and designers. I like being inspired by the outfits of people I met in the streets, whether they are traditional, urban, african, etc,. While mixing those different styles with my own creativity, something rather original appears on my fashion drawings. Then comes the realisation step. Whether it is a portrait, a bag or a clothe, I always keep in mind the outlines of my idea and little by little I withdraw or add elements to the creation. I guess that’s what I like about my job.

Was it easy for you to impose yourself as both a woman and an artist  in Senegal ?

Yes as a woman and more or less as an artist. For over half a century, Senegal has been at the heart of various cultural events thanks to artists and brilliant cultural actors and especially women in the field of literature, plastic art, theatre,cinema, design, dance,etc… I am grateful because thanks to them many women, included myself, have today the opportunity to exercise in different art activities freely and to impose ourselves with new forms of expression such as Slam, urban photography or graffiti. For my part, and that is where  the more and less has all its importance, women are poorly represented in graphic design and computer graphic areas. I remember when I started this job six years ago, I was reluctant to post my artworks on my website and on social networks (…) because I couldn’t see any other woman doing so. I regularly received messages (and even today) from people asking me if  I was the author of those very complex designs…  I always answer with great pleasure « Yes, it’s me. Thanks so much ». Actually, in Senegal, one of the major challenges I have met or an artist (man or woman) can met is the lack of visibility. An artist cannot be promoted as he deserves and finding an exhibition place is difficult. Significant cultural event such as the Dakar Biennale for example are periodic and the cost for an exhibition place in galleries is rather expensive. I would like to thank my dear friend of many years, designer and collaborator Haby Diallo, who kindly offered me the opportunity to organise my first exhibition in her gallery Créas I Am during the 2012 Dakar Biennale.

What about your friends and family ? What do they think about your job ? 

I grew up in a family environment where Culture, Arts and Letters reigned. My parents never oblige my older sisters and I to follow a path we didn’t want to. On the contrary they did their best providing us ressources and moral support to ensure we succeed. My father (he unfortunately died last year) was General Director for Culture and Communication  at  the Agency for Cultural and Technical Co-operation (A.C.C.T., currently OIF) and my mother was a former teacher-searcher (currently retired). My parents and my older sisters  have helped me develop my general culture. I will be forever grateful to them.  This is the reason for why everyday I am constantly trying to challenge myself as a person and also as an artist. Their opinion is important and my family is undoubtedly my main source of inspiration !

Which are the graphic designers you admire or take inspiration from ?

There are many. First, I mention the first two cartoonists who made me want to become a portraitist and practise graphic design when I was a child :  Bernard Dufossé , a comic French cartoonist of whom I enjoyed the neat aesthetic style he brought to his characters especially for the African ones. Then, comes Barly Baruti, a comic Congolese cartoonist who really inspired me until today while working  with inking. His style is so realistic that you have the impression the characters are moving on the paper. The day I contacted him to  express my admiration for his work  and discovered that was reciprocal was a great one.  He is undoubtedly a great man, friendly and pleasant !  Andy Warhol is obviously a big source of inspiration for my hand-painted textile design and my portrait realised on fabrics because he raised screnn printing to a contemporean pop art level, especially with portraits, daily items or events (…)

What are you working on now and what are you planning to work on in the future?

Currently I am working on my 2016 collection : clothes, decorative items and furnishing. I am still working on portraits, my own patterns and handmade screen printing (…)  One of my main project is to organise a yearly  artistic workshops and cultural activities such as theatre. This year, particularly, I plan to have disabled persons, hearing or visually impaired ones  from different specialised  institutions of Senegal participated in those activities. I think  art should be accessible to all as  it contributes to each one’s well-being and fulfilment. I am also planning to participate to Festigraff  (Senegal International Festival of Graffiti sheduled from 26th April to 5th May 2016). I participated to  XEEX Festival (another graffiti Festival) last December, an event created by Nicolas de la Carrera in the Medina’s neighbourhood. The Festival aims at protecting the environment and  improving the living conditions of the inhabitants . If I have time I will try to organise once again  an indiviual exhibition on portraits and craftworks.

This sketch below (Diourbel craftwoman) is our crusch. Could tou tell us more about it ? 

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My mother has been helping craftmen of all the regions of Senegal for many years. I had inspiration from the photos she took during her travels to rural communauties and the artwork I made are entirely with ink  and pen, among which, this one with the craftwomen from Diourbel who are experts in basketry and ceramics. It is a goood way to have the Senegalese handcraft known by people from here or elsewhere. Many of them are having dificulties in selling their products and unfortunately their know-how is disappearing with time. So, since 2013,  I have been meeting craftmen from different fields and I have made wedocumentaries. Art and culture are the foundation of all the Civilisations of the world and one can inspire from it to move forward.

 

Discover Aïssatou Touré’s artwork :

 

 

Little Go Girls – Clap sur la réalisatrice Eliane De Latour

Photo « Blancho » copyright Eliane De Latour

Eliane De Latour  aime parler de « Go » et elle en a fait son sujet de prédilection. La réalisatrice de Bronx-Barbès revient avec un documentaire saisissant sur la prostitution des femmes à Abidjan. Dans « Little Go Girls« , elle suit leur quotidien et tente d’apporter un peu de lumière et d’humanité dans la vie de ces êtres que la société ivoirienne considère comme des déchets sociaux. Ce qui l’intéresse, « c’est comment des personnes qui sont reléguées socialement, arrivent encore à se construire comme sujets par ses rêves, par ses incertitudes, par ses doutes, par sa capacité d’innovation et d’intervention avec et contre une société qui les exclue ». Nous avons voulu en savoir plus sur ce documentaire et nous sommes allés à la rencontre de la réalisatrice.

Comment vous est venu l’idée de faire un documentaire sur la prostitution des femmes à Abidjan ?

L’idée du documentaire n’est pas venu tout de suite. J’ai d’abord essayé de prendre une place dans les ghettos où ces filles se vendent. Comme tout anthropologue, on cherche à avoir une place qui soit justifié, où l’on apporte quand même quelque chose. On n’est pas simplement là pour prendre. Très bizarrement, c’est la photo qui m’a donné cette place. Je suis devenue la photographe du ghetto. Je photographiais absolument tout le monde et je donnais les portraits à chaque fois que je revenais. Ça m’a permis de tenir deux ans comme ça, dans les ghettos avec ce système d’échange. A l’époque, je pensais à pas grand chose…en dehors de faire mon métier d’ethnologue, faire des entretiens quand je pouvais et arriver à travailler sur cette économie de la prostitution de ghetto. C’est une économie particulière…Après, j’ai proposé aux filles, à la fin de ces deux années de faire une exposition (…) Elles ne savaient pas très bien ce que c’était. Et je leur ai expliqué (…) Je voulais absolument avoir leur accord. Parce que j’aurais très bien pu partir,  au bout de ces deux années, avec tous mes clichés et faire une exposition dans leur dos. Elles en auraient rien su. Je ne voulais pas. Je voulais absolument être légitime et avoir leur autorisation. Donc, j’ai fait passé un papier où j’avais écrit notre petit accord (…) Sur la totalité des filles que j’ai vu, 53 m’ont donné leur accord. Les autres m’ont dit non. Je leur ai dit qu’elles étaient libres de dire non. Sur ces 53 filles, j’en ai sélectionné 35 pour l’expo, uniquement pour des choix photographiques. Quand je suis revenue après la guerre, j’en ai retrouvé 22. J’ai mis 6 mois avant de monter le projet de la « Casa des Go ». Sur les 22, j’en ai perdu 12 et à la fin du projet il y en a 4 qui sont restées et qui sont encore là avec moi.

Vous filmez ces filles de l’intérieur avec simplicité et justesse. Est-ce l’œil de l’anthropologue qui nous guide tout au long de ce documentaire ?

Oui, sûrement…mais pas seulement. Enfin, je ne sais pas ce que c’est que l’œil de l’anthropologue. Ça voudrait dire, comme ça, qu’il y a un œil scientifique et un œil humain. Je vais vous dire comment je construis mon regard. Je pense qu’il y a les anthropologues qui ont pour finalité une thèse, un livre, un sujet conceptuel et qui vont regarder d’une certaine manière. Moi qui ai, en grande partie, pour finalité l’image et le son, je vais regarder d’une autre manière que ces anthropologues là. Parce que quand on fait du cinéma ou de la photo, l’image se nourrit d’un silence, d’un battement de cils, d’une hésitation. Et ça, celui qui va faire un sujet sur la parenté ne  va pas le voir.

Donc vous avez l’œil de l’anthropologue, plus celui du cinéaste et du photographe…

…et de l’humain (rires)

Comment avez-vous réussi à établir ce lien de confiance avec ces femmes, au point qu’elles aient accepté de se dénuder une seconde fois devant votre caméra ?

Elles m’ont vu trainer mes guêtres dans le ghetto pendant deux ans. Et puis, je reviens trois ans après la guerre. Elles étaient sidérées. Elles m’ont dit : « mais nous on t’avait oublié ». Toutes m’ont dit ça. Elles ne pensaient même plus à ces photos (…) Elles ont été touchées que je revienne avec l’argent des photos. Il y en a une qui m’a dit  : « mais pourquoi t’as pas bouffé l’argent ? ». Je leur ai répondu : « On a fait un travail à deux. Elles appartiennent à vous et à moi, donc voilà c’est normal ». Ça a fait comme un déclic qui a changé nos relations parce que j’avais tenu ma promesse. Et à ce moment là, elles se sont lâchées. Elles m’ont abandonné leur intimité et puis nous sommes entrées dans une relation de familiarité très grande, plus intime, tout le temps, même en dehors de la caméra. Elles savaient que la caméra était là, mais c’était moi finalement. C’était pas la caméra qui sortait »out of the blue » mais c’était moi. Et elles n’avaient pas envie, face à moi (puisqu’elles savaient que je savais tout) de faire des démonstrations ou de faire du show-off ou au contraire d’être timide, d’être en retrait. Elles étaient comme elles étaient. Quand elles ont vu le film en janvier, elles m’ont dit pendant la projection : « oh mais tu nous a prises comme on est, naturelles. On est comme ça. On est naturelles ». Elles étaient frappées que j’ai pu saisir ça.

Au cours de cette projection, ont-elles pris conscience de leur situation ?

Le film leur a fait très plaisir. Moi je pensais qu’elles se trouvaient belles. Mais c’est pas du tout ça qui les a intéressé. Au début pour les photos, c’était leur beauté qui faisait l’échange puisque je ramenais la beauté à l’endroit où il y en avait pas. Je me disais que le film allait faire la même chose. Mais non. Pas du tout. C’est pas ça du tout qui a joué. C’est, plutôt,  la mise en relation des photos des débuts dans le ghetto. Quand je leur donnais leurs portraits, à l’époque du ghetto, c’était des portraits décontextualisés. Elles ne recevaient juste qu’une photo d’elles contre un plastique noire…Et là,tout à coup, ces portraits étaient ramenés à un contexte qu’elles ont revu, retrouvé…qu’elle n’avaient jamais vu. Elles n’ont jamais vu le snapshot que j’ai fait du ghetto. Donc ça a fait un choc. Il y en a une qui m’a dit : « J’ai l’air d’un singe quand je suis dans le ghetto ». Une autre m’a dit : « on a l’air d’animaux de brousse ». Que des mots qui étaient dans la déshumanisation alors que sur les portraits, elles s’étaient trouvées belles à l’époque. « Tu vois ton film, ça montre que l’on peut changer. Tous les gens disent que l’on peut pas changer, qu’on va rester aux mêmes choses. Et là tu montres qu’on peut changer parce qu’on est plus les mêmes choses par rapport à ça », m’ont-elles toutes dit (…) C’est pas du tout le cœur du film qui les intéressait mais plutôt la relation entre le ghetto et la Casa. Elles sont devenues quelqu’un à la fin du film et c’est ça qui les intéressait.

Pensez-vous que votre film va sensibiliser les autorités ivoiriennes voire africaines à la cause de ces femmes ?

Je vais vous dire très brutalement les choses. Je pense que tout le monde, que ce soient des organismes publics ou privés se fiche de ces filles (…) Plein de fois, j’ai entendu dire : « tu viens filmer nos déchets sociaux ». Je pense qu’elles resteront pendant très longtemps des déchets sociaux. Il faudrait une espèce de révolution qui commencerait déjà par rendre la scolarité des filles obligatoires (…) Dans les familles, on ne considère pas important de scolariser les filles. Dès l’adolescence, dès qu’elles sont pubères, elles sont mises dans des systèmes de contrôle extrême qui peuvent tourner à la violence parce qu’on veut contrôler le sang, la valeur symbolique du sang dont elles sont toutes activement porteuses. Et les hommes ont encore le droit de frapper leurs enfants et les filles, en particulier, sont les victimes de ces violences familiales. Je pense que dès qu’une fille va à l’école, peut-être qu’elle sera frappée beaucoup moins qu’une fille qui est au service d’une mère ou d’une tante. En effet, on place souvent les filles et dans ce système de « confiançage » comme on dit là-bas, elles deviennent des demi-esclaves. on connait bien le système. Donc tant que ça, ça ne changera pas, on pourra faire ce qu’on voudra, rien ne changera.

On parle aujourd’hui d’une Afrique émergente. Quel regard portez-vous sur le continent ?

Moi je reste sur ma petite lorgnette. Je travaille beaucoup du côté des pauvres, des sans-voix dans les bidonvilles, dans les ghettos et là je trouve que c’est pas du tout émergent. Quand on regarde la Côte d’Ivoire par cet angle là, on voit bien les fossés. La différenciation sociale se creuse de manière violente, tragique. Ça fait 17 ans que je travaille là-bas et j’avais l’impression quand je suis arrivée qu’il y avait un système informel qui fonctionnait, qui faisait que toute le monde pouvait avoir, à peu près, une petite boutique, un petit business, etc…Ça existe de moins en moins. Les pauvres sont de plus en plus pauvres et pour dire banalement les riches de plus en plus riches avec une élite qui creuse le fossé des inégalités. Et c’est une Afrique…non du moins une Côte d’Ivoire de plus en plus inégalitaire.

Avez-vous un sujet particulier sur lequel vous travaillez ou envisagez de travaillez dans un futur proche ?

Ces filles, ces filles, ces filles…Les Go, les Go, les Go.

Cette photo ci-dessus est notre coup de cœur. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Blancho. C’est Blancho qui pose pour moi. Elle vient de fabriquer ces jolies boucles d’oreilles (…) Elle me regarde avec fierté. C’est ses premières boucles d’oreilles.

Découvrez le travail d’Eliane De Latour sur son site internet : ELIANE DE LATOUR

Eliane De Latour likes talking about « Girls » and this is one of her favourite subject. The Director of Bronx-Barbès is back with a moving documentary on women prostitution in Abidjan. In « Little Go Girls« , she captured their everydaylife and tried to bring some light and humanity in the life of  those beings considered as social litters by the Ivorian society. She is interested in how « people socially relegated are succeeding in rebuilding themselves as persons by their dreams, doubts, capacity to innovate and interact with  and against the society that has excluded them. We wanted to know more about this documentary so we met the Director.

How did the idea of producing a documentary depicting women prostitution in Abidjan come out to you ?

The idea did not come into my mind instantly. I first tried to find a place in the ghettos where those girls were selling themselves. As an anthropologist, we aim at getting a place that is justified and obviously bringing something in it. Curiously, photography has provided me that place. I have become the photographer of the ghetto. I captured everybody and I gave them the pictures each time I came back. I have been dealing with this system of exchange in the gettos for two years. At that time, I didn’t think that much …except doing my job as an ethnologist, doing interviews whenever I could and being able to work on that ghetto prostitution economy. That is a particular economy…At the end of those two years I offered the girls the oppotunity  to have their portraits exhibited. As they didn’t know what I was talking about I explained them. I just wanted to have their agreement. After those two years, I could have gone away with all my pics and made an exhibition behind their back. They wouldn’t have been aware. I didn’t want that.  I just wanted something legal based on their consent. So I had them signed a piece of paper in which I wrote our little agreement (..) Among all the girls I saw, 53 ones confirmed their consent. The other ones refused. I told them they  were free to accept the deal or not. I selected 35 girls for the exhibition. Just  a question of photo choices. When I came back after the war, I only found 22 of them. It took me 6 months to build the « Casa des Go » project and I lost 12 of them. At the end of the project 4 of them have stayed and are still there with me.

You shot those girls from the inside with simplicity and accuracy. Is that the lens of the anthropologist which is guiding us all along this documentary ?

Yes, of course…but not only. Well, I don’t know what the lens of the anthropologist is. That would mean, in other words that there are a scientist lens and a human one.  Let me tell you how I build my  lens. I think there are anthropologists whose purpose is to do an essay, a book, a conceptual subject, carrying their lens in a particular way. Mine is different from those anthropologists as I have to take the image and the sound into account. A soon as you deal with cinema and photography, the image feeds on a silence, a blink of an eye, an hesitation. And that thing, those who are working with a subject based on relationship will not be able to see it.

So you have the lens of the anthropologist and the one of the filmmaker and photographer…

…and the one of the human also (laughs)

How did you succeed in building a relationship of trust with those women to the point that they accepted to be naked once again in front of your camera ?  

They have been seeing me wandered around the ghetto for two years. And then I came back three years after the war. They were surprised and said : « But we all forgot you ».They didn’t even think about those photos. They were touched because I was back with the money I got from the photos. One of them asked me « why I didn’t keep the money for myself ». « We did both this work. Those photos belong to you and I. That is natural », I answered. Something inside of them just clicked and changed the relationship because I kept my promises.It was then that they started to drop things. They let me get into their inner circle and we rejoiced in a great and constant relationship of familiarity, closer than before, even outside the camera. They knew the camera was there but in fact,  it was I. They didn’t want to make a show-off or being shy or withdrawn in front of me. They were  like they were. When they saw the movie on January, they said :  « You shot us like we are, natural. We are natural ». They were amazed I could capture that. 

Do you think they have become aware of their situation during the screening ?

The film was appreciated. I thought that beauty was the only thing that interested them. I was wrong. At the beginning, with the photos, they showed concerns about beauty and that was the reason of the exchange as I brought beauty in a place where there was none.  I thought the film would have had the same impact on them. But not at all. That was not the important thing. It was,   instead, the link with the early photos from the ghetto. The portraits I shot in the ghetto were decontextualised  and they received just a photo against a black plastic…All of a sudden, those portraits had been brought to a context that was familiar to them …but they had never seen it. They never saw the ghetto snapshot I did. So it was kind of shocking to them. One of them said : « I look like a monkey when I am in the ghetto ». Another one said : « we look like bush animals ». They only used words that were part of dehumanisation while they had found themselves beautiful before with the portraits. « You see, your movie proves we can change. People say not. We will remain the same things. And then, you show that we can change because we aren’t the same things compared to that », they all said to me (…)  They weren’t interested about the heart of the film but rather the relation between the ghetto and the Casa. They became « someone » at the end of the movie. That was what interested them most. 

What about the Ivorian or the African authorities ? Do you think they will raise awareness to the case of those women when they see your documentary ?

Let me put it bluntly. I think people don’t care about those girls, whether they are public or private organisations (…) Many times I heard that : « you are here to shot our social litters ». I think they will remain social litters for a long time. A kind of revolution should be necessary and the first step is to make eduction compulsory for all girls (…) Families do not consider important to provide schooling for girls. As soon as they reach puberty, they have them got into systems of extreme control that can turn violent because they want to control blood, the symbolic value of blood which they actively bring. In addition, men still have the right to beat their children and girls, particularly,  are victims of domestic violence. To my mind, as soon as a girl goes to school she will be beaten less than a girl who stays at the mother or the aunt’s service. Actually, girls are often placed and in that kind of « trustworthy » system, as we say there, they become half bondservants. We know the system perfectly.So as soon a s things does not change, we could do whatever we want, nothing will change.

We often talk about an emerging Africa. Could you share your thoughts on the continent ?

I am looking at it from my prism. I am working a lot on the side of the poor, the voiceless from the slums, ghettos and I think it is not an emerging continent at all. If we consider the Ivory Coast from this angle, we can perfectly see the gaps. Social differentiation is  dramatically growing. I have been working there for 17 years and I had the impression when I arrived there that there was an informal system that was working well. One could have a small shop shop, a small business, etc..There are fewer and fewer. Poor people are poorer and  rich people are richer  with an elite that is widening the inequality gap. And this is an Africa…or at least an Ivory Coast more and more unequal

What are you working on now and what are you planning to work on in the future?

Girls, Girls, Girls…Gos, Gos, Gos.

The picture above is our crush. Could you tell us more about it ? 

Blancho. Blancho was modelling for me. She had just made those beautiful earrings (…) She looked at me with great pride. Those were her first earrings.

 Discover Eliane De Latour’s work on her website : ELIANE DE LATOUR

« LITTLE GO GIRLS » d’Eliane De Latour

« Little Go Girls », le nouveau film documentaire d’Eliane De Latour sort en salle mercredi 9 mars 2016. Après avoir trainé ses guêtres dans les ghettos d’Abidjan, l’anthropologue et cinéaste ouvre une fenêtre sur la prostitution des femmes ivoiriennes.

Interview d’Eliane De Latour à venir…

Découvrez la bande annonce – Discover the trailer :

 

Eliane De Latour’s new documentary, « Little Go Girls », will be released in theaters on wednesday 9th March 2016. After wandering around the ghettos of Abidjan, the antropologist and filmmaker opens a window on the Ivorian women prostitution.

Eliane De Latour’s interview coming soon…

 

 

 

« Global Style Battles » : le photographe italien, Daniele Tamagni, pose un autre regard sur la mode

Cela fait plusieurs années que Daniele Tamagni sillonne les routes à la recherche de tendances dans des contextes socio-culturels différents. Récemment, le photographe italien a mis le cap sur les continents asiatique, latino-américain et africain. Si la langue, le sexe ou les origines séparent les sujets qu’il a immortalisé dans son dernier livre, l’ex-historien en art  a trouvé ce qui les relie : une tendance et une culture urbaine qui leur est propre, un style authentique devenu aujourd’hui une source d’inspiration dans le milieu de la mode. D’ailleurs, il en a fait le fil conducteur de son ouvrage photographique, « Global Style Battles » (Editions La Découverte) dont le lancement a eu lieu mercredi 3 février 2016 à Paris, lors d’un évènement organisé par African Fashion Gate.

Dans « Global Style Battles »,  vous invitez le lecteur à poser un autre regard sur la mode. Une mode sans frontières qui vient tout droit de la rue. Comment vous est venu l’idée de rendre visible l’invisible ?

Ça a toujours été ma passion, mon intérêt principal. Depuis mon travail sur les sapeurs en 2008, j’ai continué à rechercher des tendances dans des contextes sociaux, historiques, politiques…Découvrir des nouveaux styles et voir comment les jeunes de la nouvelle génération s’expriment en terme de créativité. Et surtout, valoriser cette créativité, parce que je pense que la mode, la vrai mode naît dans ces endroits. Après oui, il y a les grandes capitales de la mode, les passerelles. Mais l’inspiration que cette mode suscite…surtout en ce moment, est vraiment unique. Paul Smith, à mon avis, est un bon exemple. Il s’est inspiré des sapeurs pour sa collection (…) Le fil rouge de ce livre, c’était de créer un travail culturel…La mode n’est pas quelque chose de superficiel. Bien au contraire, elle trouve ses racines dans l’histoire, la sociologie, etc… et c’est ça qui m’a vraiment inspiré.

Pourquoi avoir porté principalement votre choix sur l’Amérique Latine et l’Afrique dans la création de vos visuels ?

Il y a aussi un chapitre que j’ai consacré à l’Asie. En fait, je suis un peu « africanisé ». Je collabore avec un magazine qui s’appelle Africa et qui traite de la culture africaine. L’approche est différente de ce que nous sommes habitués à voir dans les journaux, à savoir les guerres, les images un peu édulcorées, stéréotypées, exotiques…Notre travail consiste à rechercher des réalités de la vie quotidienne…La mode est donc un prétexte pour raconter ça. C’est une métaphore de cela. La mode exprime l’identité des gens…Il est vrai que l’intérêt principal, c’est l’Afrique. Mais je ne voulais pas faire seulement un livre sur l’Afrique pour ne pas trop marginaliser le continent. Je voulais aussi élargir mes perspectives et j’ai trouvé d’autres sujets intéressants. Je suis allé en Bolivie pour un travail sur un autre livre et le hasard m’a amené à m’intéresser aux Cholitas, à la tradition et à la culture indigène…A Cuba, par exemple, pays sujet aux changements, ce sont les racines africaines et latino-américaines qui m’ont attiré. En fait, ce ne sont pas les pays qui sont importants. Sinon j’aurais continuer avec le Brésil ou autres. Le fait est que dans tous ces choix, ces différents modes de vie, je me suis retrouvé. Je voulais montrer des données inaperçues. Mon livre est un point de départ pour un travail, un projet et montre les similitudes qui peuvent exister dans d’autres parties du monde. Ce qui est intéressant c’est qu’il n’y a pas l’Europe ou les États-Unis. Mon but n’était pas de rechercher la mode dans les pays développés mais plutôt rechercher des tendances dans des contextes urbains en Afrique, en Amérique latine et au Sud-est asiatique…avec oui une prédilection pour le continent africain.

Votre livre sonne comme un contre-pied aux industriels de la mode. Avez-vous voulu leur faire passer un message ?

Oui, oui, il y a beaucoup de messages et ce sont de bons messages. Parce que vraiment, ces jeunes, je les trouve révolutionnaires. Ils ré-interprètent les codes de la mode, de la street fashion avec un intérêt tourné vers leurs cultures et une inspiration qui vient de l’occident. Les sapeurs, par exemple, leurs vêtements sont des tenues de créateurs occidentaux qu’ils ré-interprètent à leur façon, avec du style, de la couleur. C’est comme un défi, une révolte, quelque chose de new, de différent. C’est la même chose avec les heavy metal du Botswana. C’est une musique, un style. Ce que j’aime, c’est cette relation musique/mode qui vient de l’occident associé à leurs propres accessoires. Cette créativité est d’autant plus intéressante quand on voit que les gens qui écoutent ce genre de musique ne s’habillent pas comme ça…Ils redonnent vie à une mode, un style qui a perdu toute énergie ou vitalité en Italie ou en France.

En tant que photographe, qu’est-il primordial pour vous de montrer dans vos œuvres photographiques ?

Pour moi, c’est raconter les gens. Parce que mon travail est surtout un travail  d’analyse. La mode est un prétexte pour raconter ce qu’il y a derrière l’apparence des gens. En découvrant la personnalité de ces gens, on peut mieux les raconter. Mais on  raconte aussi des styles et en faisant connaître ces styles, on raconte les changements observées dans des contextes. Mes photos ne sont pas axées seulement sur les individus. Ils tiennent compte aussi des contextes. Ce sont des photos « ambiancées », souvent spontanées…En tant que photographe, c’est vraiment la spontanéité qui m’intéresse.

Avez-vous une anecdote qui vous a particulièrement marqué et que vous souhaitez partager avec Afrique sur scène ?

A Amsterdam en 2010, j’ai participé à une exposition organisée par la Fondation Prince Claus. C’était la première fois où j’exposais les sapeurs et on a invité Willy, le jeune homme qui a fait la couverture de mon livre Gentlemen of Bacongo. Le jour du vernissage, il a disparu. Il ne voulait pas rentrer chez lui. Et pourtant, cette image iconique du livre a inspiré  la mode de manière positive…Tout ça pour vous dire que le rêve des sapeurs c’est de venir en Europe pour s’affirmer et échapper à une vie difficile quitte à rentrer dans la clandestinité. Il a préféré rester en Europe plutôt que de connaître la célébrité. Mais après tout, rentrer au pays et retrouver les difficultés…Il ne faut pas oublier que les sapeurs sont des gens qui vivent dans la débrouille mais qui dépensent pour la passion de leurs habits. Le monde des sapeurs c’est un monde de rêveurs. S’habiller comme ils le font c’est une manière de rêver. On retrouve ici la relation France/Congo ou Afrique/Occident. C’est une anecdote intéressante.

Cette photo est notre coup de cœur. Pouvez vous nous en dire plus à ce sujet ?

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Ce sont deux étudiants en mode. Ils aiment le style sartorial. Donc ils se définissent comme « sartoristic », une combinaison du terme « sartorial » et « artistique ». En fait, ils s’habillent avec les vêtement de leur père. Ils viennent d’Alexandra, un quartier des townships de Johannesbourg. Ils ont posé devant leur maison. Alors que la plupart des gens portent des vêtement colorés, eux ont fait le choix de porter des vêtements sombres. Ils se sont inspirés des grands leaders africains comme Lumumba. Ils ont un style un peu vintage des années 60. Ce sont des bloggers connus dans le milieu de la mode et sont très demandés. Ils amènent de la nouveauté. Ils fréquentent les Fashion Week et ont comme designer préféré, l’américain Tom Brown. Ce sont des jeunes qui, je pense ont un brillant avenir en tant que journaliste de mode ou encore chroniqueur de mode à Johannesbourg, une des villes les plus émergentes au niveau de la mode tout comme Dakar, je crois.

Découvrez les travaux photographiques de Daniele Tamagni sur son site internet : DANIELE TAMAGNI

Daniele Tamagni has been travelling around the world for years searching  trends in various socio-cultural contexts. Recently, the Italian photographer visited the Asian, Latin American and African continents. If language, gender, origins separate the individuals he captured on his latest book, the former art historian has found something that binds them together : their own urban trends and culture, their authentic style. Today, those are a source of inspiration for the world of fashion and Daniele Tamagni used them as a thread  throughout his photographic book, « Global Style Battles » (Editions La Découverte), whose launch took place in Paris on Wednesday 3rd February 2015, during the African Fashion Gate‘s event.

In « Global Style Battles », you invite the reader to take another look at fashion. Fashion without borders, straight from the street. How did the idea of having people seen the unseen come out to you ?

It has always been my passion and my main interest. Since I worked on the Sapeurs in 2008, I keep on searching changes on social, historical and political contexts…Discovering new styles and see how young people can express themselves in terms of creativity. Over all, increasing the value of that creativity, because fashion, true fashion, I think,  is originated from those places. Obviously, we can talk  about fashion capital cities,  bridges. But the inspiration that fashion raises…especially at this moment is truly unique. In my opinion, Paul Smith is a good example. He got his inspiration from the Sapeurs for his collection (…) The connecting thread throughout this book was to create a cultural work…Fashion is not something superficial. Quite on the contrary, it has its roots in history, sociology, etc. and that is what most inspired me.

Why did you mainly choose to focus on Latin America and Africa for your visuals ?

There is also a chapter dedicated to Asia. In fact, I am a little « africanised ». I am working in collaboration with a magazine entitled Africa, which deals with the African culture. The approach differs from what we are used to see in newspapers, such as wars, sweetened, stereotyped or exotic images… Our work consists in showing the realities of everyday life…Fashion is, thus, an excuse for telling stories with regards to that. It is a metaphor of that. Fashion expresses people’s identity…It is true that the main interest is Africa. But I did not want to make a book that only focuses on Africa so that to avoid having the continent marginalised. I wanted to get a global outlook and I found other interesting individuals. When I went to Bolivia for the needs of another book I was working on,  I discovered the Cholitas, the tradition and the indigenous culture by coincidence…In Cuba, for example, a country subject to changes, African and Latin American roots drew all my attention. In fact, countries are not important, in my opinion. Otherwise I would explore Brazil and many other countries. The thing is that I found myself in all those choices, those different lifestyles. I wanted to show the unseen. My book is a starting point for a work, a project and emphasizes on similarities that one can find in any other part of the world. What is interesting is that Europe and the United States are not part of the project. My goal was not searching fashion in developed countries but searching changes in African, Latin American and South Asian urban contexts…with obviously a predilection for the African continent.

Your book sounds like the exact opposite of the fashion companies. Have you tried to send them a message ?

Yes. There are many messages and they are good ones. I think those young people are revolutionary. They reinterpret fashion codes, street fashion with an interest focused on their own culture and an inspiration that comes for the western countries. The Sapeurs, for example, reinterpret western designers’ clothes with their own style and colours. It is like a challenge, a kind of rebellion, something new, different. It is the same thing with the heavy metal from Botswana. It is a music, a style. I love this connection of music/fashion that comes from the western countries associated with their own accesories. This creativity is particularly interesting, over all when one knows that people who are listening to that kind of music are not dressed like that…They revitalize a kind of fashion or style that has lost all its energy in Italy or in France.

As a photographer, what is essential to convey through your visuals ?

In my opinion, telling people’s story is important. My work is over all a work of analysis. Fashion is an excuse for explaining what is behind people’s appearance. If you understand people’s personality then you are able to tell their stories. But I am also talking about  styles and when you have those styles known you are able to talk about the changes you notice in some contexts. My visuals are not only focused on individuals. They take contexts into account. They are often spontaneous photos with an atmosphere …. As a photographer, spontaneity is what I am constantly looking for.

Do you have a little anecdote that has profound and lasting effect on you and you wish to share with Afrique sur scène ?

In 2010, I took part of an exhibition organised by Prince Claus Fund in Amsterdam. I introduced there the Sapeurs for the first time and Willy, the young man featured on the front cover of my book « Gentlemen of Bacongo » was invited. He disappeared on the day of the opening. He did not want to go back to his country. However, that iconic image of the book has positively inspired the fashion world…All this to say that the Sapeurs’ dream is to come to Europe to gain self-affirmation and to escape from a difficult life event if that means to become a clandestine. He made the choice to stay in Europe instead of being famous. But upon reflection, going back home and facing  difficulties…We must not forget that Sapeurs are people who are dealing with problems but spend a lot of money for their passion for clothes. Sapeurs’ world is a dream one. Dressing that way makes them dream . We thus come to the notion France/Congo or Africa/Western countries.  It is an interesting anecdote.

Your picture below is our crush. Could you tell us more about it ?

Those two persons are studying Fashion. They like the sartorial style. They call themselves « sartorialistic », a combination of « sartorial » and « artistic » terms. In fact they are wearing their father’s clothes. They come from Alexandra which is a neighbourhood located in  Johannesburg’s township. The picture was taken in front of their house. While most people wear coloured clothes they have made the choice to wear dark clothes. They got their inspiration from African great leaders such as Lumumba. They have got a 60’s vintage style. They are famous bloggers from the world fashion and they are much in demand because they bring novelty. They often go to Fashion week and their favourite desiger is the American Tom Brown. I think those two young persons have a strong and bright future as a fashion journalist or fashion columnist in Johannesburg, one of the most emerging city in terms of fashion as well as Dakar. 

 Discover Daniele Tamagni’s artwork on his website : DANIELE TAMAGNI