Clap sur « Félicité » : le coup de maître d’Alain Gomis

Depuis plusieurs semaines, une certaine effervescence règne autour de l’oeuvre cinématographique d’Alain Gomis. Félicité, est effectivement, un film qui ne laisse personne indifférent. Pour ce 4ème long-métrage, Alain Gomis s’est surpassé. Il s’est même envolé. La clé du succès : un rôle taillé sur mesure pour l’actrice et héroïne du film, Véro Tschanda Beya dont le charisme transperce littéralement l’écran. « Elle a fait un hold-up », nous révèle le réalisateur. La performance de l’actrice est certes remarquable, mais, c’est avant tout, Alain Gomis qui a fait le « hold-up » en amont.

Un scénario bien ficelé

C’est à partir de personnages et de choses inspirés du Sénégal, que le réalisateur commence son ébauche. « Il y avait pas encore l’histoire. Y’avait ce personnage de femme. J’avais cette histoire avec son fils et y’avait cette histoire sous-jacente de l’invisible ». Le projet prend vraiment forme le jour où il visionne une vidéo du Kasai Allstars. Porté par la musique de ce groupe congolais, Kinshasa s’impose comme une évidence dans son esprit. « Je voulais vraiment faire un truc sur l’urbanité africaine et là tout à coup, c’est la grosse ville, je ne la connais pas. Y’a tout ce truc qui, à la fois effraie et à la fois fait envie. Bon voilà, Kinshasa c’est mythique… ».

felicite_04_c_andolfiLe scénario est écrit en français puis traduit et adapté en lingala. Conscient des complexités liées à la  traduction, Alain Gomis et ses collaborateurs décident de composer avec. « Certaines choses », comme il le souligne, « sont intraduisibles dans une langue…Il faut accepter de perdre ». Il sait surtout que la compréhension d’une culture passe par la langue d’où le choix du lingala comme langue principale du film.

D’autre part, pour créer le personnage ambivalent de Félicité, il choisit d’opposer deux structures narratives différentes, une descendante et une autre ascendante, qui ne sont pas sans nous rappeler les travaux de Denise Paulme sur La Morphologie des contes africains. En effet, ces deux structures constituent ce que l’auteure considère comme une « forme en miroir, typique des contes initiatiques…où les acteurs principaux sont deux et le conte se joue en deux parties symétriques ». Dans ce cas précis, il existe bien deux personnages principaux : Félicité 1 qui relève du monde réel et Félicité 2 qui appartient au monde onirique. La première part d’une situation positive, subit une épreuve dont le résultat est négatif tandis que la deuxième part d’une situation négative, subit une épreuve dont le résultat est positif. En effet, Félicité 1 mène une vie normale en chantant le soir dans un bar. Son fils a un accident. Elle échoue dans sa quête d’argent pour sauver la jambe de son fils.  En revanche, Félicité 2 fait souvent le même rêve où elle erre dans la forêt. Un rêve cyclique dont elle n’arrive pas à se détacher. Elle finit par se laisser noyer dans une rivière puis remonte à la surface et accepte sa destinée. En mixant le monde du visible et de l’invisible et en intégrant des codes de lecture propres à l’Afrique, Alain Gomis donne une autre dimension à son travail.

Pour terminer, le scénario comporte peu de dialogues. Le réalisateur joue sur une alternance de silences et de musique pour transmettre les émotions. Cette manière d’opérer oblige les acteurs à travailler davantage leur langage corporel. Un exercice, qui de premier abord, peut paraître difficile pour des comédiens sans expérience.

Un jeu naturel

Quand Véro Tschanda Beya se présente pour la première fois au casting, Alain Gomis est décontenancé par son apparence qui contraste fortement avec sa personnalité. « Je me souviens qu’elle est arrivée avec une tenue voyante et très maquillée. J’ai d’abord, pensé à elle pour un petit rôle mais elle envoyait tellement que je lui ai demandé de revenir – sans ses artifices ». Tout au long du casting, l’actrice fait preuve d’un sens inné du jeu et impose son style à Alain Gomis, qui finit par capituler. « J’ai rarement eu en face de moi ce type de puissance ».

IMG_0078En dépit de son manque d’expérience, Alain Gomis lui fait confiance. Il lui laisse l’espace nécessaire pour s’exprimer librement. « Moi, je ne dis pas grand chose du personnage à un comédien, j’essaie de rester très concret sur la situation ». Le résultat ne se fait pas attendre. L’actrice trouve naturellement sa place dans un environnement qui lui est familier et en même temps, remet en question tous les à priori sur le manque de jeu des acteurs africains. En effet, la maîtrise parfaite de la langue, de son corps et de l’espace lui permet de comprendre le personnage de Félicité et donc d’intégrer aisément son histoire.

Cette lecture juste du personnage peut trouver une explication dans l’éducation traditionnelle africaine. Dans son ouvrage History of Education in Nigeria, Aliu Babatunde Fafunwa (1923-2010) souligne que l’éducation africaine vise, entre autres, « à développer les capacités physiques de l’enfant…L’adaptation de son organisme à l’environnement est donc important. En observant les adultes dans leurs activités, l’enfant parvient très vite à les imiter…L’espace lui permet de sauter, grimper ou encore danser ». Ainsi, grâce à un sens inouï de l’observation, l’enfant est capable de reproduire spontanément les gestes de la vie quotidienne. La transmission du savoir s’opère naturellement sans que l’adulte n’intervienne parce que l’enfant sait ce qu’il à faire. Alain Gomis a procédé, ici, de la même façon. Il a planté le décors et a laissé l’actrice mener la danse à sa guise.

Tourner en Afrique, c’est aussi accepter une part d’improvisation. Pour les scènes de bar, le réalisateur et son équipe se sont invités dans un lieu et ont laissé les acteurs s’illustrer au milieu de la population locale. Cet exploit technique, fruit d’un beau collectif, demande beaucoup d’énergie et le résultat est magnifique : les acteurs sont en symbiose avec la population. « Si la régie et la production exécutive sont bien connectés, savent se connecter dans les différents endroits où on espère tourner, s’ils savent discuter, intégrer la population au film, on peut filmer partout…Tu tournes avec la ville, c’est elle qui fait le film ».

En optant pour un langage cinématographique cohérent et propre à l’Afrique, Alain Gomis prouve qu’il existe bien un cinéma africain. La  reconnaissance de « Félicité » à la Berlinale et au Fespaco permet à ce cinéma, longtemps ignoré, de s’ouvrir vers l’extérieur. Il faut maintenant espérer que cette reconnaissance incitera davantage les pays africains à investir dans la construction d’écoles et de salles de cinéma. L’avenir du cinéma africain en dépend.

Bibliographie

  • Paulme Denise. Morphologie du conte africain.. In: Cahiers d’études africaines, vol. 12, n°45, 1972. pp. 131-163.
  • Fafunwa, A. Babs, History of Education in Nigeria (London: G. Allen and Unwin, 1974), pp. 13-48

« Félicité », l’oeuvre cinématographique d’Alain Gomis, en salle depuis mercredi

[Bons plans/ Good tips and hot spots]

Le dernier long-métrage d’Alain Gomis est actuellement en salle depuis mercredi. Le film, primé récemment à la Berlinale  puis au Fespaco met en scène, « Félicité » une chanteuse congolaise, dont la vie bascule le jour où son fils est victime d’un accident de moto. S’ensuit alors, une course interminable et pénible dans les rues grouillantes de Kinshasa pour tenter de le sauver. Deux choix s’offrent à elle : se laisser totalement aller à la dérive ou accepter purement et simplement sa destinée.

Entretien avec Alain Gomis à venir

Bande annonce / Trailer

Alain Gomis’ last long film has been released this Wednesday. The movie which was awarded  at the Berlin Film Festival  and at the Ouagadougou Fespaco, features « Félicité », a Congolese singer, whose life is turned upside down the day her son is injured in a motorcycle accident. It follows, then a long and agonizing race on the Kinshasa crowded streets so that to save her son’s life. She has two options : drifting or accepting her destiny.

Interview with Alain Gomis coming soon…

Affiche du film / Film’s poster

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Little Go Girls – Clap sur la réalisatrice Eliane De Latour

Photo « Blancho » copyright Eliane De Latour

Eliane De Latour  aime parler de « Go » et elle en a fait son sujet de prédilection. La réalisatrice de Bronx-Barbès revient avec un documentaire saisissant sur la prostitution des femmes à Abidjan. Dans « Little Go Girls« , elle suit leur quotidien et tente d’apporter un peu de lumière et d’humanité dans la vie de ces êtres que la société ivoirienne considère comme des déchets sociaux. Ce qui l’intéresse, « c’est comment des personnes qui sont reléguées socialement, arrivent encore à se construire comme sujets par ses rêves, par ses incertitudes, par ses doutes, par sa capacité d’innovation et d’intervention avec et contre une société qui les exclue ». Nous avons voulu en savoir plus sur ce documentaire et nous sommes allés à la rencontre de la réalisatrice.

Comment vous est venu l’idée de faire un documentaire sur la prostitution des femmes à Abidjan ?

L’idée du documentaire n’est pas venu tout de suite. J’ai d’abord essayé de prendre une place dans les ghettos où ces filles se vendent. Comme tout anthropologue, on cherche à avoir une place qui soit justifié, où l’on apporte quand même quelque chose. On n’est pas simplement là pour prendre. Très bizarrement, c’est la photo qui m’a donné cette place. Je suis devenue la photographe du ghetto. Je photographiais absolument tout le monde et je donnais les portraits à chaque fois que je revenais. Ça m’a permis de tenir deux ans comme ça, dans les ghettos avec ce système d’échange. A l’époque, je pensais à pas grand chose…en dehors de faire mon métier d’ethnologue, faire des entretiens quand je pouvais et arriver à travailler sur cette économie de la prostitution de ghetto. C’est une économie particulière…Après, j’ai proposé aux filles, à la fin de ces deux années de faire une exposition (…) Elles ne savaient pas très bien ce que c’était. Et je leur ai expliqué (…) Je voulais absolument avoir leur accord. Parce que j’aurais très bien pu partir,  au bout de ces deux années, avec tous mes clichés et faire une exposition dans leur dos. Elles en auraient rien su. Je ne voulais pas. Je voulais absolument être légitime et avoir leur autorisation. Donc, j’ai fait passé un papier où j’avais écrit notre petit accord (…) Sur la totalité des filles que j’ai vu, 53 m’ont donné leur accord. Les autres m’ont dit non. Je leur ai dit qu’elles étaient libres de dire non. Sur ces 53 filles, j’en ai sélectionné 35 pour l’expo, uniquement pour des choix photographiques. Quand je suis revenue après la guerre, j’en ai retrouvé 22. J’ai mis 6 mois avant de monter le projet de la « Casa des Go ». Sur les 22, j’en ai perdu 12 et à la fin du projet il y en a 4 qui sont restées et qui sont encore là avec moi.

Vous filmez ces filles de l’intérieur avec simplicité et justesse. Est-ce l’œil de l’anthropologue qui nous guide tout au long de ce documentaire ?

Oui, sûrement…mais pas seulement. Enfin, je ne sais pas ce que c’est que l’œil de l’anthropologue. Ça voudrait dire, comme ça, qu’il y a un œil scientifique et un œil humain. Je vais vous dire comment je construis mon regard. Je pense qu’il y a les anthropologues qui ont pour finalité une thèse, un livre, un sujet conceptuel et qui vont regarder d’une certaine manière. Moi qui ai, en grande partie, pour finalité l’image et le son, je vais regarder d’une autre manière que ces anthropologues là. Parce que quand on fait du cinéma ou de la photo, l’image se nourrit d’un silence, d’un battement de cils, d’une hésitation. Et ça, celui qui va faire un sujet sur la parenté ne  va pas le voir.

Donc vous avez l’œil de l’anthropologue, plus celui du cinéaste et du photographe…

…et de l’humain (rires)

Comment avez-vous réussi à établir ce lien de confiance avec ces femmes, au point qu’elles aient accepté de se dénuder une seconde fois devant votre caméra ?

Elles m’ont vu trainer mes guêtres dans le ghetto pendant deux ans. Et puis, je reviens trois ans après la guerre. Elles étaient sidérées. Elles m’ont dit : « mais nous on t’avait oublié ». Toutes m’ont dit ça. Elles ne pensaient même plus à ces photos (…) Elles ont été touchées que je revienne avec l’argent des photos. Il y en a une qui m’a dit  : « mais pourquoi t’as pas bouffé l’argent ? ». Je leur ai répondu : « On a fait un travail à deux. Elles appartiennent à vous et à moi, donc voilà c’est normal ». Ça a fait comme un déclic qui a changé nos relations parce que j’avais tenu ma promesse. Et à ce moment là, elles se sont lâchées. Elles m’ont abandonné leur intimité et puis nous sommes entrées dans une relation de familiarité très grande, plus intime, tout le temps, même en dehors de la caméra. Elles savaient que la caméra était là, mais c’était moi finalement. C’était pas la caméra qui sortait »out of the blue » mais c’était moi. Et elles n’avaient pas envie, face à moi (puisqu’elles savaient que je savais tout) de faire des démonstrations ou de faire du show-off ou au contraire d’être timide, d’être en retrait. Elles étaient comme elles étaient. Quand elles ont vu le film en janvier, elles m’ont dit pendant la projection : « oh mais tu nous a prises comme on est, naturelles. On est comme ça. On est naturelles ». Elles étaient frappées que j’ai pu saisir ça.

Au cours de cette projection, ont-elles pris conscience de leur situation ?

Le film leur a fait très plaisir. Moi je pensais qu’elles se trouvaient belles. Mais c’est pas du tout ça qui les a intéressé. Au début pour les photos, c’était leur beauté qui faisait l’échange puisque je ramenais la beauté à l’endroit où il y en avait pas. Je me disais que le film allait faire la même chose. Mais non. Pas du tout. C’est pas ça du tout qui a joué. C’est, plutôt,  la mise en relation des photos des débuts dans le ghetto. Quand je leur donnais leurs portraits, à l’époque du ghetto, c’était des portraits décontextualisés. Elles ne recevaient juste qu’une photo d’elles contre un plastique noire…Et là,tout à coup, ces portraits étaient ramenés à un contexte qu’elles ont revu, retrouvé…qu’elle n’avaient jamais vu. Elles n’ont jamais vu le snapshot que j’ai fait du ghetto. Donc ça a fait un choc. Il y en a une qui m’a dit : « J’ai l’air d’un singe quand je suis dans le ghetto ». Une autre m’a dit : « on a l’air d’animaux de brousse ». Que des mots qui étaient dans la déshumanisation alors que sur les portraits, elles s’étaient trouvées belles à l’époque. « Tu vois ton film, ça montre que l’on peut changer. Tous les gens disent que l’on peut pas changer, qu’on va rester aux mêmes choses. Et là tu montres qu’on peut changer parce qu’on est plus les mêmes choses par rapport à ça », m’ont-elles toutes dit (…) C’est pas du tout le cœur du film qui les intéressait mais plutôt la relation entre le ghetto et la Casa. Elles sont devenues quelqu’un à la fin du film et c’est ça qui les intéressait.

Pensez-vous que votre film va sensibiliser les autorités ivoiriennes voire africaines à la cause de ces femmes ?

Je vais vous dire très brutalement les choses. Je pense que tout le monde, que ce soient des organismes publics ou privés se fiche de ces filles (…) Plein de fois, j’ai entendu dire : « tu viens filmer nos déchets sociaux ». Je pense qu’elles resteront pendant très longtemps des déchets sociaux. Il faudrait une espèce de révolution qui commencerait déjà par rendre la scolarité des filles obligatoires (…) Dans les familles, on ne considère pas important de scolariser les filles. Dès l’adolescence, dès qu’elles sont pubères, elles sont mises dans des systèmes de contrôle extrême qui peuvent tourner à la violence parce qu’on veut contrôler le sang, la valeur symbolique du sang dont elles sont toutes activement porteuses. Et les hommes ont encore le droit de frapper leurs enfants et les filles, en particulier, sont les victimes de ces violences familiales. Je pense que dès qu’une fille va à l’école, peut-être qu’elle sera frappée beaucoup moins qu’une fille qui est au service d’une mère ou d’une tante. En effet, on place souvent les filles et dans ce système de « confiançage » comme on dit là-bas, elles deviennent des demi-esclaves. on connait bien le système. Donc tant que ça, ça ne changera pas, on pourra faire ce qu’on voudra, rien ne changera.

On parle aujourd’hui d’une Afrique émergente. Quel regard portez-vous sur le continent ?

Moi je reste sur ma petite lorgnette. Je travaille beaucoup du côté des pauvres, des sans-voix dans les bidonvilles, dans les ghettos et là je trouve que c’est pas du tout émergent. Quand on regarde la Côte d’Ivoire par cet angle là, on voit bien les fossés. La différenciation sociale se creuse de manière violente, tragique. Ça fait 17 ans que je travaille là-bas et j’avais l’impression quand je suis arrivée qu’il y avait un système informel qui fonctionnait, qui faisait que toute le monde pouvait avoir, à peu près, une petite boutique, un petit business, etc…Ça existe de moins en moins. Les pauvres sont de plus en plus pauvres et pour dire banalement les riches de plus en plus riches avec une élite qui creuse le fossé des inégalités. Et c’est une Afrique…non du moins une Côte d’Ivoire de plus en plus inégalitaire.

Avez-vous un sujet particulier sur lequel vous travaillez ou envisagez de travaillez dans un futur proche ?

Ces filles, ces filles, ces filles…Les Go, les Go, les Go.

Cette photo ci-dessus est notre coup de cœur. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Blancho. C’est Blancho qui pose pour moi. Elle vient de fabriquer ces jolies boucles d’oreilles (…) Elle me regarde avec fierté. C’est ses premières boucles d’oreilles.

Découvrez le travail d’Eliane De Latour sur son site internet : ELIANE DE LATOUR

Eliane De Latour likes talking about « Girls » and this is one of her favourite subject. The Director of Bronx-Barbès is back with a moving documentary on women prostitution in Abidjan. In « Little Go Girls« , she captured their everydaylife and tried to bring some light and humanity in the life of  those beings considered as social litters by the Ivorian society. She is interested in how « people socially relegated are succeeding in rebuilding themselves as persons by their dreams, doubts, capacity to innovate and interact with  and against the society that has excluded them. We wanted to know more about this documentary so we met the Director.

How did the idea of producing a documentary depicting women prostitution in Abidjan come out to you ?

The idea did not come into my mind instantly. I first tried to find a place in the ghettos where those girls were selling themselves. As an anthropologist, we aim at getting a place that is justified and obviously bringing something in it. Curiously, photography has provided me that place. I have become the photographer of the ghetto. I captured everybody and I gave them the pictures each time I came back. I have been dealing with this system of exchange in the gettos for two years. At that time, I didn’t think that much …except doing my job as an ethnologist, doing interviews whenever I could and being able to work on that ghetto prostitution economy. That is a particular economy…At the end of those two years I offered the girls the oppotunity  to have their portraits exhibited. As they didn’t know what I was talking about I explained them. I just wanted to have their agreement. After those two years, I could have gone away with all my pics and made an exhibition behind their back. They wouldn’t have been aware. I didn’t want that.  I just wanted something legal based on their consent. So I had them signed a piece of paper in which I wrote our little agreement (..) Among all the girls I saw, 53 ones confirmed their consent. The other ones refused. I told them they  were free to accept the deal or not. I selected 35 girls for the exhibition. Just  a question of photo choices. When I came back after the war, I only found 22 of them. It took me 6 months to build the « Casa des Go » project and I lost 12 of them. At the end of the project 4 of them have stayed and are still there with me.

You shot those girls from the inside with simplicity and accuracy. Is that the lens of the anthropologist which is guiding us all along this documentary ?

Yes, of course…but not only. Well, I don’t know what the lens of the anthropologist is. That would mean, in other words that there are a scientist lens and a human one.  Let me tell you how I build my  lens. I think there are anthropologists whose purpose is to do an essay, a book, a conceptual subject, carrying their lens in a particular way. Mine is different from those anthropologists as I have to take the image and the sound into account. A soon as you deal with cinema and photography, the image feeds on a silence, a blink of an eye, an hesitation. And that thing, those who are working with a subject based on relationship will not be able to see it.

So you have the lens of the anthropologist and the one of the filmmaker and photographer…

…and the one of the human also (laughs)

How did you succeed in building a relationship of trust with those women to the point that they accepted to be naked once again in front of your camera ?  

They have been seeing me wandered around the ghetto for two years. And then I came back three years after the war. They were surprised and said : « But we all forgot you ».They didn’t even think about those photos. They were touched because I was back with the money I got from the photos. One of them asked me « why I didn’t keep the money for myself ». « We did both this work. Those photos belong to you and I. That is natural », I answered. Something inside of them just clicked and changed the relationship because I kept my promises.It was then that they started to drop things. They let me get into their inner circle and we rejoiced in a great and constant relationship of familiarity, closer than before, even outside the camera. They knew the camera was there but in fact,  it was I. They didn’t want to make a show-off or being shy or withdrawn in front of me. They were  like they were. When they saw the movie on January, they said :  « You shot us like we are, natural. We are natural ». They were amazed I could capture that. 

Do you think they have become aware of their situation during the screening ?

The film was appreciated. I thought that beauty was the only thing that interested them. I was wrong. At the beginning, with the photos, they showed concerns about beauty and that was the reason of the exchange as I brought beauty in a place where there was none.  I thought the film would have had the same impact on them. But not at all. That was not the important thing. It was,   instead, the link with the early photos from the ghetto. The portraits I shot in the ghetto were decontextualised  and they received just a photo against a black plastic…All of a sudden, those portraits had been brought to a context that was familiar to them …but they had never seen it. They never saw the ghetto snapshot I did. So it was kind of shocking to them. One of them said : « I look like a monkey when I am in the ghetto ». Another one said : « we look like bush animals ». They only used words that were part of dehumanisation while they had found themselves beautiful before with the portraits. « You see, your movie proves we can change. People say not. We will remain the same things. And then, you show that we can change because we aren’t the same things compared to that », they all said to me (…)  They weren’t interested about the heart of the film but rather the relation between the ghetto and the Casa. They became « someone » at the end of the movie. That was what interested them most. 

What about the Ivorian or the African authorities ? Do you think they will raise awareness to the case of those women when they see your documentary ?

Let me put it bluntly. I think people don’t care about those girls, whether they are public or private organisations (…) Many times I heard that : « you are here to shot our social litters ». I think they will remain social litters for a long time. A kind of revolution should be necessary and the first step is to make eduction compulsory for all girls (…) Families do not consider important to provide schooling for girls. As soon as they reach puberty, they have them got into systems of extreme control that can turn violent because they want to control blood, the symbolic value of blood which they actively bring. In addition, men still have the right to beat their children and girls, particularly,  are victims of domestic violence. To my mind, as soon as a girl goes to school she will be beaten less than a girl who stays at the mother or the aunt’s service. Actually, girls are often placed and in that kind of « trustworthy » system, as we say there, they become half bondservants. We know the system perfectly.So as soon a s things does not change, we could do whatever we want, nothing will change.

We often talk about an emerging Africa. Could you share your thoughts on the continent ?

I am looking at it from my prism. I am working a lot on the side of the poor, the voiceless from the slums, ghettos and I think it is not an emerging continent at all. If we consider the Ivory Coast from this angle, we can perfectly see the gaps. Social differentiation is  dramatically growing. I have been working there for 17 years and I had the impression when I arrived there that there was an informal system that was working well. One could have a small shop shop, a small business, etc..There are fewer and fewer. Poor people are poorer and  rich people are richer  with an elite that is widening the inequality gap. And this is an Africa…or at least an Ivory Coast more and more unequal

What are you working on now and what are you planning to work on in the future?

Girls, Girls, Girls…Gos, Gos, Gos.

The picture above is our crush. Could you tell us more about it ? 

Blancho. Blancho was modelling for me. She had just made those beautiful earrings (…) She looked at me with great pride. Those were her first earrings.

 Discover Eliane De Latour’s work on her website : ELIANE DE LATOUR