AKAA 2017: la Foire d’Art Contemporain africain ouvre ses portes ce week-end

[BONS PLANS / GOOD TIPS AND HOT SPOTS]

La Foire d’Art Contemporain africain (Also Known As Africa) ouvre ses portes du 10 au 12 novembre 2017 au Carreau du Temple à Paris. Pour cette 2ème édition, la fondatrice Victoria Mann et la directrice artistique Salimata Diop, ont placé l’évènement sous le thème de la guérison. 38 galeries internationales issues de 19 pays vont présenter le travail de 149 artistes originaires du continent africain et autres. Une occasion pour le public d’aller à la rencontre de ces artistes et peut-être de trouver un moyen de panser certaines blessures…

The Contemporary African Art Fair (Also Known As Africa) is opening its door from 10 to 12 November 2017 at Carreau du Temple in Paris. For its 2nd edition, the founder, Victoria Mann and the Art Director Salimta Diop have placed the event under the theme of healing. 38 international galleries from 19 countries have responded to their invitation and are going to submit the artwork of 149 artists originated from the African continent and elsewhere. A good opportunity for the public to come and meet those artists and maybe to find a way to bind up some wounds …

Vous trouverez le programme ici / Please find the programme here :

http://akaafair.com/rencontres-akaa-2017

Wallay, un film de Berni Goldblat

[BONS PLANS / GOOD TIPS AND HOT SPOTS]

Quand le temps nous joue des tours, avec cette chaleur tantôt agréable ou tantôt insupportable, rien de mieux que d’aller se réfugier dans la fraîcheur des salles de cinéma et profiter de « Wallay » de Berni Goldblat actuellement à l’affiche depuis mercredi dernier.

Remarqué récemment à la Berlinale ou encore au Festival de Cannes, le film met en scène, Ady, un jeune franco-burkinabé de 13 ans, dont le père, dépassé par le comportement de l’adolescent, décide de l’envoyer chez son oncle au Burkina Faso afin de parfaire son éducation et de faire de lui un homme. Persuadé de partir en vacances Ady ne semble pas disposé à embrasser la voie de la sagesse…

Bande annonce / Trailer

When the weather is playing a few tricks with a heat both pleasant and unbearable, nothing could be better than to seek refuge into cool theathers and profit on « Wallay », the Berni Goldblat’s first long movie, currently on screen since last wednesday.

The film that has drawn the attention of the Berlinale and the Festival  of Cannes focuses on Ady, a 13-year-old French-Burkinabe, whose father, exceeded by the teenager’s behaviour, decides to send him to his uncle’s in Burkina Faso so that to further his education and have him become a man. Persuaded that he is going on vacation, Ady is not willing to embrace the path of wisdom…

Clap sur Wùlu, le film de Daouda Coulibaly

Il était une fois à Bamako… Wùlu , le premier long-métrage de Daouda Coulibaly, aurait pu débuter  par cette formule d’introduction. Seulement, le réalisateur franco-malien en a décidé autrement. Le film s’ouvre sur une voix off qui interpelle le spectateur  :

Dans la culture bambara, les sociétés d’initiation ont pour rôle de former leurs adeptes de manière à en faire des membres dignes de leur communauté.
Dans la société dite du Ntòmo, les initiés progressent à travers cinq niveaux :
Le niveau du lion enseigne à l’individu d’où il vient.
Celui du crapaud lui dit où il va.
Celui de l’oiseau le renseigne sur ce qu’il est.
Celui de la pintade considère la place de l’homme face au cosmos.
Le dernier niveau éclaire l’initié sur sa place dans la société. C’est le niveau du chien (Wùlu).

Le message est clair. Il annonce un parcours de vie qui se déroule dans un contexte africain.

Entre contes et fables

Pour être reconnu dans la société bambara, l’individu doit se soumettre aux différents rites de passage qui feront de lui un être respectable. « Je pense que Ladji, le personnage principal…il vient de ces valeurs là. Sa priorité, quand on le découvre au début du film, c’est le fait de se respecter lui, de respecter son clan, de respecter sa communauté » nous informe Daouda Coulibaly. Effectivement, les premières images du film présentent Ladji sous les traits d’un apprenti-chauffeur, au service de la communauté. Ce jeune homme nourrit l’espoir d’obtenir, un jour, la promotion qui lui permettrait de s’élever dans la société et peut-être d’atteindre la 5ème étape de son parcours de vie, celle du Wùlu. Le poste convoité est à sa portée mais Daouda Coulibaly préfère lui faire emprunter un autre chemin en le privant de sa promotion. « Ladji, voit ses plans contrariés et s’impose une nouvelle direction. C’est à travers son parcours que finalement il va abandonner ses valeurs traditionnelles, d’où il vient, pour embrasser la voie du crime organisé et ce que la société moderne a de nouveau à offrir comme valeur ».  Le jeune homme, rejoint alors un groupe de narcotrafiquants et connait une ascension fulgurante : il passe de délinquant à criminel en franchissant chaque étape avec succès.

En changeant de trajectoire, Ladji adopte un nouveau profil. Il incarne « l’image de l’enfant terrible » (celui qui fait tout le contraire de ce que la société attend de lui) souvent évoquée dans les contes et les fables. On retrouve également cette même image chez sa soeur Aminata à qui on a attribué les pires caractéristiques : la prostitution, entre autres. Si certains pensent que le personnage d’Aminata contribue à renvoyer une image dégradante de la femme africaine, c’est bien le cas. Mais alors, il faut aller plus loin dans l’analyse et comprendre que c’est une volonté délibérée du réalisateur qui nous rappelle ici le rôle que jouent les contes et les fables dans l’éducation d’un enfant. En effet, les deux jeunes gens représentent ce que la société africaine méprise au plus haut point et sont dépeints de manière très négative pour dissuader les enfants de suivre leur exemple. Cette idée est renforcée par une fin tragique où Ladji, malheureux, ne trouve pas sa place dans cette nouvelle vie et décide d’y mettre un terme. Une fin qui signe non seulement la perte d’un être cher pour Aminata mais surtout qui sonne comme une sanction pour toute personne qui ne respecte pas les valeurs de la communauté. « Il y a un côté un peu moraliste dans ce film. Moi j’aime beaucoup les contes initiatiques, ceux qui nous proposent de nous dévoiler, en tant que spectateur, un parcours de vie et donc c’est un peu ça que j’ai essayé de faire…de montrer un parcours de vie de Ladji et de faire en sorte qu’il nous interpelle, nous fasse réfléchir pour provoquer un débat », nous révèle le réalisateur. On est donc à même de se demander si les choses se seraient déroulées autrement si Ladji avait fait des études.

Entre éducation et narcotrafic

Dans beaucoup de pays africains, l’éducation reste un problème majeur. Si des progrès ont été effectués, ces dernières années, dans ce domaine, ils restent néanmoins insuffisants. Un rapport (document 37C/5) établi par l’Unesco en 2014  révèle que « l’Afrique est un continent d’opportunités. Depuis 2000, de nombreux pays africains ont accompli d’importants progrès […] mais accuse un retard dans beaucoup de grands domaines de l’éducation, ce qui entrave son développement socio-économique ». Ce rapport souligne bien le potentiel de l’Afrique et nous amène à nous interroger sur ceux qui profitent de ces opportunités. Une chose est sûre, cela ne concerne pas les laissés-pour-compte qui, à défaut de ne pouvoir être les acteurs directs du développement économique de leur pays, revendiquent leurs existences à travers un marché parallèle : celui de la débrouille. Mais, depuis une décennie, l’arrivée des narcotrafiquants en Afrique de l’ouest a changé la donne. Tout le monde veut profiter de ce commerce lucratif de la cocaïne, depuis le paysan qui peine à faire rentrer l’argent dans son foyer jusqu’au fonctionnaire dont le salaire n’a pas été versé depuis des mois ou encore jusqu’aux hauts fonctionnaires d’Etat qui souhaitent s’enrichir davantage. Profitant de la pauvreté des pays, du manque de contrôle aux frontières et de la corruption des gouvernements africains, ces narcotrafiquants ont réussi à faire de la région une plaque tournante pour le trafic de cocaïne vers l’Europe avec comme conséquence aggravante le développement de la criminalité.

C’est cette réalité que Daouda Coulibaly dépeint dans son film.  « J’ai voulu décrire une réalité qui doit interpeller tout le continent afin de trouver la voie du développement. Il faut commencer par regarder ce qui ne fonctionne pas et essayer de trouver les solutions que l’on peut apporter à ces dysfonctionnements au lieu de faire comme s’ils n’existaient pas ». Pour cela, il s’installe au Mali en 2011 et effectue des recherches sur l’affaire « Air cocaïne » qui a secoué le pays en 2009. Il se penche également sur la « figure criminelle » en Afrique qui selon lui est très peu exploitée dans le cinéma africain. Pour expliquer les raisons qui peuvent mener un homme vers la voie de la criminalité, il cite les écrits de James Baldwin : « La création la plus dangereuse de n’importe quelle société est cet homme qui n’a rien à perdre ». Ladji, est justement un pur produit de la société africaine. A travers ce personnage, Daouda Coulibaly donne la voix à la jeunesse et montre à quel point, celle-ci, en proie aux tourments d’un avenir incertain, mérite qu’on lui prête une oreille plus attentive. « Il faut investir dans le capital humain, investir dans la jeunesse africaine, c’est ça un peu que le film encourage à prendre en considération ».

Wùlu  est un film réaliste qui ne cherche pas à accabler les dirigeants africains mais plutôt à les inciter non seulement à faire face aux problèmes qui freinent actuellement le développement socio-économique mais surtout à trouver des solutions pour construire le continent et offrir un avenir à la jeunesse. Pour ce premier long-métrage, Daouda Coulibaly a rempli son contrat. C’est un film qui fait du bien et qui est encourageant pour l’avenir du cinéma africain.

Clap sur « Félicité » : le coup de maître d’Alain Gomis

Depuis plusieurs semaines, une certaine effervescence règne autour de l’oeuvre cinématographique d’Alain Gomis. Félicité, est effectivement, un film qui ne laisse personne indifférent. Pour ce 4ème long-métrage, Alain Gomis s’est surpassé. Il s’est même envolé. La clé du succès : un rôle taillé sur mesure pour l’actrice et héroïne du film, Véro Tschanda Beya dont le charisme transperce littéralement l’écran. « Elle a fait un hold-up », nous révèle le réalisateur. La performance de l’actrice est certes remarquable, mais, c’est avant tout, Alain Gomis qui a fait le « hold-up » en amont.

Un scénario bien ficelé

C’est à partir de personnages et de choses inspirés du Sénégal, que le réalisateur commence son ébauche. « Il y avait pas encore l’histoire. Y’avait ce personnage de femme. J’avais cette histoire avec son fils et y’avait cette histoire sous-jacente de l’invisible ». Le projet prend vraiment forme le jour où il visionne une vidéo du Kasai Allstars. Porté par la musique de ce groupe congolais, Kinshasa s’impose comme une évidence dans son esprit. « Je voulais vraiment faire un truc sur l’urbanité africaine et là tout à coup, c’est la grosse ville, je ne la connais pas. Y’a tout ce truc qui, à la fois effraie et à la fois fait envie. Bon voilà, Kinshasa c’est mythique… ».

felicite_04_c_andolfiLe scénario est écrit en français puis traduit et adapté en lingala. Conscient des complexités liées à la  traduction, Alain Gomis et ses collaborateurs décident de composer avec. « Certaines choses », comme il le souligne, « sont intraduisibles dans une langue…Il faut accepter de perdre ». Il sait surtout que la compréhension d’une culture passe par la langue d’où le choix du lingala comme langue principale du film.

D’autre part, pour créer le personnage ambivalent de Félicité, il choisit d’opposer deux structures narratives différentes, une descendante et une autre ascendante, qui ne sont pas sans nous rappeler les travaux de Denise Paulme sur La Morphologie des contes africains. En effet, ces deux structures constituent ce que l’auteure considère comme une « forme en miroir, typique des contes initiatiques…où les acteurs principaux sont deux et le conte se joue en deux parties symétriques ». Dans ce cas précis, il existe bien deux personnages principaux : Félicité 1 qui relève du monde réel et Félicité 2 qui appartient au monde onirique. La première part d’une situation positive, subit une épreuve dont le résultat est négatif tandis que la deuxième part d’une situation négative, subit une épreuve dont le résultat est positif. En effet, Félicité 1 mène une vie normale en chantant le soir dans un bar. Son fils a un accident. Elle échoue dans sa quête d’argent pour sauver la jambe de son fils.  En revanche, Félicité 2 fait souvent le même rêve où elle erre dans la forêt. Un rêve cyclique dont elle n’arrive pas à se détacher. Elle finit par se laisser noyer dans une rivière puis remonte à la surface et accepte sa destinée. En mixant le monde du visible et de l’invisible et en intégrant des codes de lecture propres à l’Afrique, Alain Gomis donne une autre dimension à son travail.

Pour terminer, le scénario comporte peu de dialogues. Le réalisateur joue sur une alternance de silences et de musique pour transmettre les émotions. Cette manière d’opérer oblige les acteurs à travailler davantage leur langage corporel. Un exercice, qui de premier abord, peut paraître difficile pour des comédiens sans expérience.

Un jeu naturel

Quand Véro Tschanda Beya se présente pour la première fois au casting, Alain Gomis est décontenancé par son apparence qui contraste fortement avec sa personnalité. « Je me souviens qu’elle est arrivée avec une tenue voyante et très maquillée. J’ai d’abord, pensé à elle pour un petit rôle mais elle envoyait tellement que je lui ai demandé de revenir – sans ses artifices ». Tout au long du casting, l’actrice fait preuve d’un sens inné du jeu et impose son style à Alain Gomis, qui finit par capituler. « J’ai rarement eu en face de moi ce type de puissance ».

IMG_0078En dépit de son manque d’expérience, Alain Gomis lui fait confiance. Il lui laisse l’espace nécessaire pour s’exprimer librement. « Moi, je ne dis pas grand chose du personnage à un comédien, j’essaie de rester très concret sur la situation ». Le résultat ne se fait pas attendre. L’actrice trouve naturellement sa place dans un environnement qui lui est familier et en même temps, remet en question tous les à priori sur le manque de jeu des acteurs africains. En effet, la maîtrise parfaite de la langue, de son corps et de l’espace lui permet de comprendre le personnage de Félicité et donc d’intégrer aisément son histoire.

Cette lecture juste du personnage peut trouver une explication dans l’éducation traditionnelle africaine. Dans son ouvrage History of Education in Nigeria, Aliu Babatunde Fafunwa (1923-2010) souligne que l’éducation africaine vise, entre autres, « à développer les capacités physiques de l’enfant…L’adaptation de son organisme à l’environnement est donc important. En observant les adultes dans leurs activités, l’enfant parvient très vite à les imiter…L’espace lui permet de sauter, grimper ou encore danser ». Ainsi, grâce à un sens inouï de l’observation, l’enfant est capable de reproduire spontanément les gestes de la vie quotidienne. La transmission du savoir s’opère naturellement sans que l’adulte n’intervienne parce que l’enfant sait ce qu’il à faire. Alain Gomis a procédé, ici, de la même façon. Il a planté le décors et a laissé l’actrice mener la danse à sa guise.

Tourner en Afrique, c’est aussi accepter une part d’improvisation. Pour les scènes de bar, le réalisateur et son équipe se sont invités dans un lieu et ont laissé les acteurs s’illustrer au milieu de la population locale. Cet exploit technique, fruit d’un beau collectif, demande beaucoup d’énergie et le résultat est magnifique : les acteurs sont en symbiose avec la population. « Si la régie et la production exécutive sont bien connectés, savent se connecter dans les différents endroits où on espère tourner, s’ils savent discuter, intégrer la population au film, on peut filmer partout…Tu tournes avec la ville, c’est elle qui fait le film ».

En optant pour un langage cinématographique cohérent et propre à l’Afrique, Alain Gomis prouve qu’il existe bien un cinéma africain. La  reconnaissance de « Félicité » à la Berlinale et au Fespaco permet à ce cinéma, longtemps ignoré, de s’ouvrir vers l’extérieur. Il faut maintenant espérer que cette reconnaissance incitera davantage les pays africains à investir dans la construction d’écoles et de salles de cinéma. L’avenir du cinéma africain en dépend.

Bibliographie

  • Paulme Denise. Morphologie du conte africain.. In: Cahiers d’études africaines, vol. 12, n°45, 1972. pp. 131-163.
  • Fafunwa, A. Babs, History of Education in Nigeria (London: G. Allen and Unwin, 1974), pp. 13-48

FINDING FELA – Alex Gibney’s documentary

FINDING FELA – LE DOCUMENTAIRE D’ALEX GIBNEY – VERSION FR

Finding Fela , dont l’avant-première a été diffusée pour la première fois en France au  FNCD (Festival des Nouveaux Cinémas Documentaires) sort en DVD et VOD le 5 Juillet 2016.

Réalisé par Alex Gibney, le documentaire retrace la vie de Fela Anikulapo-Kuti, génie de l’afrobeat mais aussi activiste ardent, qui n’a pas hésité à réquisitionner la scène pour dénoncer les injustices sociales ainsi que la corruption du gouvernement nigérian dans les années post-coloniales.

Ses discours et textes engagés, associés à une musique libre et spontanée forment un cocktail explosif et indigeste pour les autorités nigérianes qui tentent de le museler à plusieurs reprises, en vain. Tantôt jeté en prison ou encore battu par les militaires, sa détermination, chaque fois plus grande, fait de lui le porte-parole incontestable de tout un peuple.

Une comédie musicale lui a rendu hommage à Broadway et le spectacle connait un succès remarquable.

Finding Fela, un documentaire riche et percutant à ne pas manquer. Voici un extrait…


FINDING FELA – ALEX GIBNEY’S DOCUMENTARY – ENGLISH VERSION

« Finding Fela » , which was premiered at the FNCD (Festival of New Documentary Filmmaking) will be released in DVD and VOD  5th July 2016.

Directed by Alex Gibney, the documentary relates the life of Fela Anikulapo-Kuti, an afro-beat genius and also a prominent activist who did not hesitate to take the stage and denounce social injustices as well as the Nigerian government corruption in the years following independence.

His engaged speeches and words, associated to a free and spontaneous music make an explosive and indigestible cocktail for the Nigerian authorities which try to muzzle him many times, in vain. Sometimes, thrown in jail or beaten by the army, his determination that grew each time in strength made him a strong voice for people.

A musical has payed tribute to the emblematic figure and the show has a successful run on Broadway.

« Finding Fela », a rich and powerful documentary not to miss. See trailer above…

 

Little Go Girls – Clap sur la réalisatrice Eliane De Latour

Photo « Blancho » copyright Eliane De Latour

Eliane De Latour  aime parler de « Go » et elle en a fait son sujet de prédilection. La réalisatrice de Bronx-Barbès revient avec un documentaire saisissant sur la prostitution des femmes à Abidjan. Dans « Little Go Girls« , elle suit leur quotidien et tente d’apporter un peu de lumière et d’humanité dans la vie de ces êtres que la société ivoirienne considère comme des déchets sociaux. Ce qui l’intéresse, « c’est comment des personnes qui sont reléguées socialement, arrivent encore à se construire comme sujets par ses rêves, par ses incertitudes, par ses doutes, par sa capacité d’innovation et d’intervention avec et contre une société qui les exclue ». Nous avons voulu en savoir plus sur ce documentaire et nous sommes allés à la rencontre de la réalisatrice.

Comment vous est venu l’idée de faire un documentaire sur la prostitution des femmes à Abidjan ?

L’idée du documentaire n’est pas venu tout de suite. J’ai d’abord essayé de prendre une place dans les ghettos où ces filles se vendent. Comme tout anthropologue, on cherche à avoir une place qui soit justifié, où l’on apporte quand même quelque chose. On n’est pas simplement là pour prendre. Très bizarrement, c’est la photo qui m’a donné cette place. Je suis devenue la photographe du ghetto. Je photographiais absolument tout le monde et je donnais les portraits à chaque fois que je revenais. Ça m’a permis de tenir deux ans comme ça, dans les ghettos avec ce système d’échange. A l’époque, je pensais à pas grand chose…en dehors de faire mon métier d’ethnologue, faire des entretiens quand je pouvais et arriver à travailler sur cette économie de la prostitution de ghetto. C’est une économie particulière…Après, j’ai proposé aux filles, à la fin de ces deux années de faire une exposition (…) Elles ne savaient pas très bien ce que c’était. Et je leur ai expliqué (…) Je voulais absolument avoir leur accord. Parce que j’aurais très bien pu partir,  au bout de ces deux années, avec tous mes clichés et faire une exposition dans leur dos. Elles en auraient rien su. Je ne voulais pas. Je voulais absolument être légitime et avoir leur autorisation. Donc, j’ai fait passé un papier où j’avais écrit notre petit accord (…) Sur la totalité des filles que j’ai vu, 53 m’ont donné leur accord. Les autres m’ont dit non. Je leur ai dit qu’elles étaient libres de dire non. Sur ces 53 filles, j’en ai sélectionné 35 pour l’expo, uniquement pour des choix photographiques. Quand je suis revenue après la guerre, j’en ai retrouvé 22. J’ai mis 6 mois avant de monter le projet de la « Casa des Go ». Sur les 22, j’en ai perdu 12 et à la fin du projet il y en a 4 qui sont restées et qui sont encore là avec moi.

Vous filmez ces filles de l’intérieur avec simplicité et justesse. Est-ce l’œil de l’anthropologue qui nous guide tout au long de ce documentaire ?

Oui, sûrement…mais pas seulement. Enfin, je ne sais pas ce que c’est que l’œil de l’anthropologue. Ça voudrait dire, comme ça, qu’il y a un œil scientifique et un œil humain. Je vais vous dire comment je construis mon regard. Je pense qu’il y a les anthropologues qui ont pour finalité une thèse, un livre, un sujet conceptuel et qui vont regarder d’une certaine manière. Moi qui ai, en grande partie, pour finalité l’image et le son, je vais regarder d’une autre manière que ces anthropologues là. Parce que quand on fait du cinéma ou de la photo, l’image se nourrit d’un silence, d’un battement de cils, d’une hésitation. Et ça, celui qui va faire un sujet sur la parenté ne  va pas le voir.

Donc vous avez l’œil de l’anthropologue, plus celui du cinéaste et du photographe…

…et de l’humain (rires)

Comment avez-vous réussi à établir ce lien de confiance avec ces femmes, au point qu’elles aient accepté de se dénuder une seconde fois devant votre caméra ?

Elles m’ont vu trainer mes guêtres dans le ghetto pendant deux ans. Et puis, je reviens trois ans après la guerre. Elles étaient sidérées. Elles m’ont dit : « mais nous on t’avait oublié ». Toutes m’ont dit ça. Elles ne pensaient même plus à ces photos (…) Elles ont été touchées que je revienne avec l’argent des photos. Il y en a une qui m’a dit  : « mais pourquoi t’as pas bouffé l’argent ? ». Je leur ai répondu : « On a fait un travail à deux. Elles appartiennent à vous et à moi, donc voilà c’est normal ». Ça a fait comme un déclic qui a changé nos relations parce que j’avais tenu ma promesse. Et à ce moment là, elles se sont lâchées. Elles m’ont abandonné leur intimité et puis nous sommes entrées dans une relation de familiarité très grande, plus intime, tout le temps, même en dehors de la caméra. Elles savaient que la caméra était là, mais c’était moi finalement. C’était pas la caméra qui sortait »out of the blue » mais c’était moi. Et elles n’avaient pas envie, face à moi (puisqu’elles savaient que je savais tout) de faire des démonstrations ou de faire du show-off ou au contraire d’être timide, d’être en retrait. Elles étaient comme elles étaient. Quand elles ont vu le film en janvier, elles m’ont dit pendant la projection : « oh mais tu nous a prises comme on est, naturelles. On est comme ça. On est naturelles ». Elles étaient frappées que j’ai pu saisir ça.

Au cours de cette projection, ont-elles pris conscience de leur situation ?

Le film leur a fait très plaisir. Moi je pensais qu’elles se trouvaient belles. Mais c’est pas du tout ça qui les a intéressé. Au début pour les photos, c’était leur beauté qui faisait l’échange puisque je ramenais la beauté à l’endroit où il y en avait pas. Je me disais que le film allait faire la même chose. Mais non. Pas du tout. C’est pas ça du tout qui a joué. C’est, plutôt,  la mise en relation des photos des débuts dans le ghetto. Quand je leur donnais leurs portraits, à l’époque du ghetto, c’était des portraits décontextualisés. Elles ne recevaient juste qu’une photo d’elles contre un plastique noire…Et là,tout à coup, ces portraits étaient ramenés à un contexte qu’elles ont revu, retrouvé…qu’elle n’avaient jamais vu. Elles n’ont jamais vu le snapshot que j’ai fait du ghetto. Donc ça a fait un choc. Il y en a une qui m’a dit : « J’ai l’air d’un singe quand je suis dans le ghetto ». Une autre m’a dit : « on a l’air d’animaux de brousse ». Que des mots qui étaient dans la déshumanisation alors que sur les portraits, elles s’étaient trouvées belles à l’époque. « Tu vois ton film, ça montre que l’on peut changer. Tous les gens disent que l’on peut pas changer, qu’on va rester aux mêmes choses. Et là tu montres qu’on peut changer parce qu’on est plus les mêmes choses par rapport à ça », m’ont-elles toutes dit (…) C’est pas du tout le cœur du film qui les intéressait mais plutôt la relation entre le ghetto et la Casa. Elles sont devenues quelqu’un à la fin du film et c’est ça qui les intéressait.

Pensez-vous que votre film va sensibiliser les autorités ivoiriennes voire africaines à la cause de ces femmes ?

Je vais vous dire très brutalement les choses. Je pense que tout le monde, que ce soient des organismes publics ou privés se fiche de ces filles (…) Plein de fois, j’ai entendu dire : « tu viens filmer nos déchets sociaux ». Je pense qu’elles resteront pendant très longtemps des déchets sociaux. Il faudrait une espèce de révolution qui commencerait déjà par rendre la scolarité des filles obligatoires (…) Dans les familles, on ne considère pas important de scolariser les filles. Dès l’adolescence, dès qu’elles sont pubères, elles sont mises dans des systèmes de contrôle extrême qui peuvent tourner à la violence parce qu’on veut contrôler le sang, la valeur symbolique du sang dont elles sont toutes activement porteuses. Et les hommes ont encore le droit de frapper leurs enfants et les filles, en particulier, sont les victimes de ces violences familiales. Je pense que dès qu’une fille va à l’école, peut-être qu’elle sera frappée beaucoup moins qu’une fille qui est au service d’une mère ou d’une tante. En effet, on place souvent les filles et dans ce système de « confiançage » comme on dit là-bas, elles deviennent des demi-esclaves. on connait bien le système. Donc tant que ça, ça ne changera pas, on pourra faire ce qu’on voudra, rien ne changera.

On parle aujourd’hui d’une Afrique émergente. Quel regard portez-vous sur le continent ?

Moi je reste sur ma petite lorgnette. Je travaille beaucoup du côté des pauvres, des sans-voix dans les bidonvilles, dans les ghettos et là je trouve que c’est pas du tout émergent. Quand on regarde la Côte d’Ivoire par cet angle là, on voit bien les fossés. La différenciation sociale se creuse de manière violente, tragique. Ça fait 17 ans que je travaille là-bas et j’avais l’impression quand je suis arrivée qu’il y avait un système informel qui fonctionnait, qui faisait que toute le monde pouvait avoir, à peu près, une petite boutique, un petit business, etc…Ça existe de moins en moins. Les pauvres sont de plus en plus pauvres et pour dire banalement les riches de plus en plus riches avec une élite qui creuse le fossé des inégalités. Et c’est une Afrique…non du moins une Côte d’Ivoire de plus en plus inégalitaire.

Avez-vous un sujet particulier sur lequel vous travaillez ou envisagez de travaillez dans un futur proche ?

Ces filles, ces filles, ces filles…Les Go, les Go, les Go.

Cette photo ci-dessus est notre coup de cœur. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Blancho. C’est Blancho qui pose pour moi. Elle vient de fabriquer ces jolies boucles d’oreilles (…) Elle me regarde avec fierté. C’est ses premières boucles d’oreilles.

Découvrez le travail d’Eliane De Latour sur son site internet : ELIANE DE LATOUR

Eliane De Latour likes talking about « Girls » and this is one of her favourite subject. The Director of Bronx-Barbès is back with a moving documentary on women prostitution in Abidjan. In « Little Go Girls« , she captured their everydaylife and tried to bring some light and humanity in the life of  those beings considered as social litters by the Ivorian society. She is interested in how « people socially relegated are succeeding in rebuilding themselves as persons by their dreams, doubts, capacity to innovate and interact with  and against the society that has excluded them. We wanted to know more about this documentary so we met the Director.

How did the idea of producing a documentary depicting women prostitution in Abidjan come out to you ?

The idea did not come into my mind instantly. I first tried to find a place in the ghettos where those girls were selling themselves. As an anthropologist, we aim at getting a place that is justified and obviously bringing something in it. Curiously, photography has provided me that place. I have become the photographer of the ghetto. I captured everybody and I gave them the pictures each time I came back. I have been dealing with this system of exchange in the gettos for two years. At that time, I didn’t think that much …except doing my job as an ethnologist, doing interviews whenever I could and being able to work on that ghetto prostitution economy. That is a particular economy…At the end of those two years I offered the girls the oppotunity  to have their portraits exhibited. As they didn’t know what I was talking about I explained them. I just wanted to have their agreement. After those two years, I could have gone away with all my pics and made an exhibition behind their back. They wouldn’t have been aware. I didn’t want that.  I just wanted something legal based on their consent. So I had them signed a piece of paper in which I wrote our little agreement (..) Among all the girls I saw, 53 ones confirmed their consent. The other ones refused. I told them they  were free to accept the deal or not. I selected 35 girls for the exhibition. Just  a question of photo choices. When I came back after the war, I only found 22 of them. It took me 6 months to build the « Casa des Go » project and I lost 12 of them. At the end of the project 4 of them have stayed and are still there with me.

You shot those girls from the inside with simplicity and accuracy. Is that the lens of the anthropologist which is guiding us all along this documentary ?

Yes, of course…but not only. Well, I don’t know what the lens of the anthropologist is. That would mean, in other words that there are a scientist lens and a human one.  Let me tell you how I build my  lens. I think there are anthropologists whose purpose is to do an essay, a book, a conceptual subject, carrying their lens in a particular way. Mine is different from those anthropologists as I have to take the image and the sound into account. A soon as you deal with cinema and photography, the image feeds on a silence, a blink of an eye, an hesitation. And that thing, those who are working with a subject based on relationship will not be able to see it.

So you have the lens of the anthropologist and the one of the filmmaker and photographer…

…and the one of the human also (laughs)

How did you succeed in building a relationship of trust with those women to the point that they accepted to be naked once again in front of your camera ?  

They have been seeing me wandered around the ghetto for two years. And then I came back three years after the war. They were surprised and said : « But we all forgot you ».They didn’t even think about those photos. They were touched because I was back with the money I got from the photos. One of them asked me « why I didn’t keep the money for myself ». « We did both this work. Those photos belong to you and I. That is natural », I answered. Something inside of them just clicked and changed the relationship because I kept my promises.It was then that they started to drop things. They let me get into their inner circle and we rejoiced in a great and constant relationship of familiarity, closer than before, even outside the camera. They knew the camera was there but in fact,  it was I. They didn’t want to make a show-off or being shy or withdrawn in front of me. They were  like they were. When they saw the movie on January, they said :  « You shot us like we are, natural. We are natural ». They were amazed I could capture that. 

Do you think they have become aware of their situation during the screening ?

The film was appreciated. I thought that beauty was the only thing that interested them. I was wrong. At the beginning, with the photos, they showed concerns about beauty and that was the reason of the exchange as I brought beauty in a place where there was none.  I thought the film would have had the same impact on them. But not at all. That was not the important thing. It was,   instead, the link with the early photos from the ghetto. The portraits I shot in the ghetto were decontextualised  and they received just a photo against a black plastic…All of a sudden, those portraits had been brought to a context that was familiar to them …but they had never seen it. They never saw the ghetto snapshot I did. So it was kind of shocking to them. One of them said : « I look like a monkey when I am in the ghetto ». Another one said : « we look like bush animals ». They only used words that were part of dehumanisation while they had found themselves beautiful before with the portraits. « You see, your movie proves we can change. People say not. We will remain the same things. And then, you show that we can change because we aren’t the same things compared to that », they all said to me (…)  They weren’t interested about the heart of the film but rather the relation between the ghetto and the Casa. They became « someone » at the end of the movie. That was what interested them most. 

What about the Ivorian or the African authorities ? Do you think they will raise awareness to the case of those women when they see your documentary ?

Let me put it bluntly. I think people don’t care about those girls, whether they are public or private organisations (…) Many times I heard that : « you are here to shot our social litters ». I think they will remain social litters for a long time. A kind of revolution should be necessary and the first step is to make eduction compulsory for all girls (…) Families do not consider important to provide schooling for girls. As soon as they reach puberty, they have them got into systems of extreme control that can turn violent because they want to control blood, the symbolic value of blood which they actively bring. In addition, men still have the right to beat their children and girls, particularly,  are victims of domestic violence. To my mind, as soon as a girl goes to school she will be beaten less than a girl who stays at the mother or the aunt’s service. Actually, girls are often placed and in that kind of « trustworthy » system, as we say there, they become half bondservants. We know the system perfectly.So as soon a s things does not change, we could do whatever we want, nothing will change.

We often talk about an emerging Africa. Could you share your thoughts on the continent ?

I am looking at it from my prism. I am working a lot on the side of the poor, the voiceless from the slums, ghettos and I think it is not an emerging continent at all. If we consider the Ivory Coast from this angle, we can perfectly see the gaps. Social differentiation is  dramatically growing. I have been working there for 17 years and I had the impression when I arrived there that there was an informal system that was working well. One could have a small shop shop, a small business, etc..There are fewer and fewer. Poor people are poorer and  rich people are richer  with an elite that is widening the inequality gap. And this is an Africa…or at least an Ivory Coast more and more unequal

What are you working on now and what are you planning to work on in the future?

Girls, Girls, Girls…Gos, Gos, Gos.

The picture above is our crush. Could you tell us more about it ? 

Blancho. Blancho was modelling for me. She had just made those beautiful earrings (…) She looked at me with great pride. Those were her first earrings.

 Discover Eliane De Latour’s work on her website : ELIANE DE LATOUR

« LITTLE GO GIRLS » d’Eliane De Latour

« Little Go Girls », le nouveau film documentaire d’Eliane De Latour sort en salle mercredi 9 mars 2016. Après avoir trainé ses guêtres dans les ghettos d’Abidjan, l’anthropologue et cinéaste ouvre une fenêtre sur la prostitution des femmes ivoiriennes.

Interview d’Eliane De Latour à venir…

Découvrez la bande annonce – Discover the trailer :

 

Eliane De Latour’s new documentary, « Little Go Girls », will be released in theaters on wednesday 9th March 2016. After wandering around the ghettos of Abidjan, the antropologist and filmmaker opens a window on the Ivorian women prostitution.

Eliane De Latour’s interview coming soon…

 

 

 

« Global Style Battles » : le photographe italien, Daniele Tamagni, pose un autre regard sur la mode

Cela fait plusieurs années que Daniele Tamagni sillonne les routes à la recherche de tendances dans des contextes socio-culturels différents. Récemment, le photographe italien a mis le cap sur les continents asiatique, latino-américain et africain. Si la langue, le sexe ou les origines séparent les sujets qu’il a immortalisé dans son dernier livre, l’ex-historien en art  a trouvé ce qui les relie : une tendance et une culture urbaine qui leur est propre, un style authentique devenu aujourd’hui une source d’inspiration dans le milieu de la mode. D’ailleurs, il en a fait le fil conducteur de son ouvrage photographique, « Global Style Battles » (Editions La Découverte) dont le lancement a eu lieu mercredi 3 février 2016 à Paris, lors d’un évènement organisé par African Fashion Gate.

Dans « Global Style Battles »,  vous invitez le lecteur à poser un autre regard sur la mode. Une mode sans frontières qui vient tout droit de la rue. Comment vous est venu l’idée de rendre visible l’invisible ?

Ça a toujours été ma passion, mon intérêt principal. Depuis mon travail sur les sapeurs en 2008, j’ai continué à rechercher des tendances dans des contextes sociaux, historiques, politiques…Découvrir des nouveaux styles et voir comment les jeunes de la nouvelle génération s’expriment en terme de créativité. Et surtout, valoriser cette créativité, parce que je pense que la mode, la vrai mode naît dans ces endroits. Après oui, il y a les grandes capitales de la mode, les passerelles. Mais l’inspiration que cette mode suscite…surtout en ce moment, est vraiment unique. Paul Smith, à mon avis, est un bon exemple. Il s’est inspiré des sapeurs pour sa collection (…) Le fil rouge de ce livre, c’était de créer un travail culturel…La mode n’est pas quelque chose de superficiel. Bien au contraire, elle trouve ses racines dans l’histoire, la sociologie, etc… et c’est ça qui m’a vraiment inspiré.

Pourquoi avoir porté principalement votre choix sur l’Amérique Latine et l’Afrique dans la création de vos visuels ?

Il y a aussi un chapitre que j’ai consacré à l’Asie. En fait, je suis un peu « africanisé ». Je collabore avec un magazine qui s’appelle Africa et qui traite de la culture africaine. L’approche est différente de ce que nous sommes habitués à voir dans les journaux, à savoir les guerres, les images un peu édulcorées, stéréotypées, exotiques…Notre travail consiste à rechercher des réalités de la vie quotidienne…La mode est donc un prétexte pour raconter ça. C’est une métaphore de cela. La mode exprime l’identité des gens…Il est vrai que l’intérêt principal, c’est l’Afrique. Mais je ne voulais pas faire seulement un livre sur l’Afrique pour ne pas trop marginaliser le continent. Je voulais aussi élargir mes perspectives et j’ai trouvé d’autres sujets intéressants. Je suis allé en Bolivie pour un travail sur un autre livre et le hasard m’a amené à m’intéresser aux Cholitas, à la tradition et à la culture indigène…A Cuba, par exemple, pays sujet aux changements, ce sont les racines africaines et latino-américaines qui m’ont attiré. En fait, ce ne sont pas les pays qui sont importants. Sinon j’aurais continuer avec le Brésil ou autres. Le fait est que dans tous ces choix, ces différents modes de vie, je me suis retrouvé. Je voulais montrer des données inaperçues. Mon livre est un point de départ pour un travail, un projet et montre les similitudes qui peuvent exister dans d’autres parties du monde. Ce qui est intéressant c’est qu’il n’y a pas l’Europe ou les États-Unis. Mon but n’était pas de rechercher la mode dans les pays développés mais plutôt rechercher des tendances dans des contextes urbains en Afrique, en Amérique latine et au Sud-est asiatique…avec oui une prédilection pour le continent africain.

Votre livre sonne comme un contre-pied aux industriels de la mode. Avez-vous voulu leur faire passer un message ?

Oui, oui, il y a beaucoup de messages et ce sont de bons messages. Parce que vraiment, ces jeunes, je les trouve révolutionnaires. Ils ré-interprètent les codes de la mode, de la street fashion avec un intérêt tourné vers leurs cultures et une inspiration qui vient de l’occident. Les sapeurs, par exemple, leurs vêtements sont des tenues de créateurs occidentaux qu’ils ré-interprètent à leur façon, avec du style, de la couleur. C’est comme un défi, une révolte, quelque chose de new, de différent. C’est la même chose avec les heavy metal du Botswana. C’est une musique, un style. Ce que j’aime, c’est cette relation musique/mode qui vient de l’occident associé à leurs propres accessoires. Cette créativité est d’autant plus intéressante quand on voit que les gens qui écoutent ce genre de musique ne s’habillent pas comme ça…Ils redonnent vie à une mode, un style qui a perdu toute énergie ou vitalité en Italie ou en France.

En tant que photographe, qu’est-il primordial pour vous de montrer dans vos œuvres photographiques ?

Pour moi, c’est raconter les gens. Parce que mon travail est surtout un travail  d’analyse. La mode est un prétexte pour raconter ce qu’il y a derrière l’apparence des gens. En découvrant la personnalité de ces gens, on peut mieux les raconter. Mais on  raconte aussi des styles et en faisant connaître ces styles, on raconte les changements observées dans des contextes. Mes photos ne sont pas axées seulement sur les individus. Ils tiennent compte aussi des contextes. Ce sont des photos « ambiancées », souvent spontanées…En tant que photographe, c’est vraiment la spontanéité qui m’intéresse.

Avez-vous une anecdote qui vous a particulièrement marqué et que vous souhaitez partager avec Afrique sur scène ?

A Amsterdam en 2010, j’ai participé à une exposition organisée par la Fondation Prince Claus. C’était la première fois où j’exposais les sapeurs et on a invité Willy, le jeune homme qui a fait la couverture de mon livre Gentlemen of Bacongo. Le jour du vernissage, il a disparu. Il ne voulait pas rentrer chez lui. Et pourtant, cette image iconique du livre a inspiré  la mode de manière positive…Tout ça pour vous dire que le rêve des sapeurs c’est de venir en Europe pour s’affirmer et échapper à une vie difficile quitte à rentrer dans la clandestinité. Il a préféré rester en Europe plutôt que de connaître la célébrité. Mais après tout, rentrer au pays et retrouver les difficultés…Il ne faut pas oublier que les sapeurs sont des gens qui vivent dans la débrouille mais qui dépensent pour la passion de leurs habits. Le monde des sapeurs c’est un monde de rêveurs. S’habiller comme ils le font c’est une manière de rêver. On retrouve ici la relation France/Congo ou Afrique/Occident. C’est une anecdote intéressante.

Cette photo est notre coup de cœur. Pouvez vous nous en dire plus à ce sujet ?

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Ce sont deux étudiants en mode. Ils aiment le style sartorial. Donc ils se définissent comme « sartoristic », une combinaison du terme « sartorial » et « artistique ». En fait, ils s’habillent avec les vêtement de leur père. Ils viennent d’Alexandra, un quartier des townships de Johannesbourg. Ils ont posé devant leur maison. Alors que la plupart des gens portent des vêtement colorés, eux ont fait le choix de porter des vêtements sombres. Ils se sont inspirés des grands leaders africains comme Lumumba. Ils ont un style un peu vintage des années 60. Ce sont des bloggers connus dans le milieu de la mode et sont très demandés. Ils amènent de la nouveauté. Ils fréquentent les Fashion Week et ont comme designer préféré, l’américain Tom Brown. Ce sont des jeunes qui, je pense ont un brillant avenir en tant que journaliste de mode ou encore chroniqueur de mode à Johannesbourg, une des villes les plus émergentes au niveau de la mode tout comme Dakar, je crois.

Découvrez les travaux photographiques de Daniele Tamagni sur son site internet : DANIELE TAMAGNI

Daniele Tamagni has been travelling around the world for years searching  trends in various socio-cultural contexts. Recently, the Italian photographer visited the Asian, Latin American and African continents. If language, gender, origins separate the individuals he captured on his latest book, the former art historian has found something that binds them together : their own urban trends and culture, their authentic style. Today, those are a source of inspiration for the world of fashion and Daniele Tamagni used them as a thread  throughout his photographic book, « Global Style Battles » (Editions La Découverte), whose launch took place in Paris on Wednesday 3rd February 2015, during the African Fashion Gate‘s event.

In « Global Style Battles », you invite the reader to take another look at fashion. Fashion without borders, straight from the street. How did the idea of having people seen the unseen come out to you ?

It has always been my passion and my main interest. Since I worked on the Sapeurs in 2008, I keep on searching changes on social, historical and political contexts…Discovering new styles and see how young people can express themselves in terms of creativity. Over all, increasing the value of that creativity, because fashion, true fashion, I think,  is originated from those places. Obviously, we can talk  about fashion capital cities,  bridges. But the inspiration that fashion raises…especially at this moment is truly unique. In my opinion, Paul Smith is a good example. He got his inspiration from the Sapeurs for his collection (…) The connecting thread throughout this book was to create a cultural work…Fashion is not something superficial. Quite on the contrary, it has its roots in history, sociology, etc. and that is what most inspired me.

Why did you mainly choose to focus on Latin America and Africa for your visuals ?

There is also a chapter dedicated to Asia. In fact, I am a little « africanised ». I am working in collaboration with a magazine entitled Africa, which deals with the African culture. The approach differs from what we are used to see in newspapers, such as wars, sweetened, stereotyped or exotic images… Our work consists in showing the realities of everyday life…Fashion is, thus, an excuse for telling stories with regards to that. It is a metaphor of that. Fashion expresses people’s identity…It is true that the main interest is Africa. But I did not want to make a book that only focuses on Africa so that to avoid having the continent marginalised. I wanted to get a global outlook and I found other interesting individuals. When I went to Bolivia for the needs of another book I was working on,  I discovered the Cholitas, the tradition and the indigenous culture by coincidence…In Cuba, for example, a country subject to changes, African and Latin American roots drew all my attention. In fact, countries are not important, in my opinion. Otherwise I would explore Brazil and many other countries. The thing is that I found myself in all those choices, those different lifestyles. I wanted to show the unseen. My book is a starting point for a work, a project and emphasizes on similarities that one can find in any other part of the world. What is interesting is that Europe and the United States are not part of the project. My goal was not searching fashion in developed countries but searching changes in African, Latin American and South Asian urban contexts…with obviously a predilection for the African continent.

Your book sounds like the exact opposite of the fashion companies. Have you tried to send them a message ?

Yes. There are many messages and they are good ones. I think those young people are revolutionary. They reinterpret fashion codes, street fashion with an interest focused on their own culture and an inspiration that comes for the western countries. The Sapeurs, for example, reinterpret western designers’ clothes with their own style and colours. It is like a challenge, a kind of rebellion, something new, different. It is the same thing with the heavy metal from Botswana. It is a music, a style. I love this connection of music/fashion that comes from the western countries associated with their own accesories. This creativity is particularly interesting, over all when one knows that people who are listening to that kind of music are not dressed like that…They revitalize a kind of fashion or style that has lost all its energy in Italy or in France.

As a photographer, what is essential to convey through your visuals ?

In my opinion, telling people’s story is important. My work is over all a work of analysis. Fashion is an excuse for explaining what is behind people’s appearance. If you understand people’s personality then you are able to tell their stories. But I am also talking about  styles and when you have those styles known you are able to talk about the changes you notice in some contexts. My visuals are not only focused on individuals. They take contexts into account. They are often spontaneous photos with an atmosphere …. As a photographer, spontaneity is what I am constantly looking for.

Do you have a little anecdote that has profound and lasting effect on you and you wish to share with Afrique sur scène ?

In 2010, I took part of an exhibition organised by Prince Claus Fund in Amsterdam. I introduced there the Sapeurs for the first time and Willy, the young man featured on the front cover of my book « Gentlemen of Bacongo » was invited. He disappeared on the day of the opening. He did not want to go back to his country. However, that iconic image of the book has positively inspired the fashion world…All this to say that the Sapeurs’ dream is to come to Europe to gain self-affirmation and to escape from a difficult life event if that means to become a clandestine. He made the choice to stay in Europe instead of being famous. But upon reflection, going back home and facing  difficulties…We must not forget that Sapeurs are people who are dealing with problems but spend a lot of money for their passion for clothes. Sapeurs’ world is a dream one. Dressing that way makes them dream . We thus come to the notion France/Congo or Africa/Western countries.  It is an interesting anecdote.

Your picture below is our crush. Could you tell us more about it ?

Those two persons are studying Fashion. They like the sartorial style. They call themselves « sartorialistic », a combination of « sartorial » and « artistic » terms. In fact they are wearing their father’s clothes. They come from Alexandra which is a neighbourhood located in  Johannesburg’s township. The picture was taken in front of their house. While most people wear coloured clothes they have made the choice to wear dark clothes. They got their inspiration from African great leaders such as Lumumba. They have got a 60’s vintage style. They are famous bloggers from the world fashion and they are much in demand because they bring novelty. They often go to Fashion week and their favourite desiger is the American Tom Brown. I think those two young persons have a strong and bright future as a fashion journalist or fashion columnist in Johannesburg, one of the most emerging city in terms of fashion as well as Dakar. 

 Discover Daniele Tamagni’s artwork on his website : DANIELE TAMAGNI

 

Lumières d’Afriques, Clap sur Gonçalo Mabunda le sculpteur mozambicain qui transforme les armes de guerre en objets d’arts

L’exposition, Lumières d’Afriques vient de fermer ses portes ce mardi. Si la lumière s’est éteinte au Théatre du Palais Chaillot, elle continue de briller pour les 54 artistes africains qui nous ont éclairé, chacun à leur manière, sur la réalité et les conditions de vie dans leurs pays respectifs. Outre Aïda Muluneh et Nù Barreto qui nous ont livré leurs visions, espoirs et luttes pour une Afrique meilleure, nous retenons également, The Future, l’oeuvre de Napalo Mroivili qui résume si bien le quotidien des africains. En effet,  l’artiste a peint une ampoule cassée sur un châle comorien, qu’il a ensuite transformé en lampe à pétrole. Il démontre ainsi que face à l’adversité, il existe des solutions. Mais c’est sans aucun doute, le sculpteur mozambicain Gonçalo Mabunda qui nous laisse un message fort, plein d’espoir à travers son oeuvre « Light at the end of the tunnel ». Un message de paix qui prend tout son sens dans ce climat d’angoisse dans lequel nous vivons actuellement. Afrique sur scène s’est entretenu avec l’artiste qui transforme les armes de guerre en objets d’arts…

 

Pouvez-vous vous présenter… Quel est votre parcours ?

J’ai commencé à travailler comme coursier chez Nucleo de Arte (Association d’artistes du mozambique)en 1992. Quelques temps après, par curiosité, j’ai récupéré des chutes de matériels laissées par les artistes pour m’initier à la peinture. En 1994, après avoir été l’assistant d’Andries Botha dans le cadre de l’atelier UJAMAA IV, celui-ci me conseille d’aller me former aux techniques du métal et du bronze à l’université Tecknicon Natal en Afrique du Sud. C’est à partir de ce moment là que j’ai commencé à travailler la sculpture sur métal.

Vous représentez la Mozambique dans l’Exposition « Lumières d’Afrique » qui réunit les 54 pays Africains au Palais Chaillot à Paris. Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de votre sélection ?

Je suis fier de faire partie des artistes sélectionnés. Juste parce que seul un artiste d’un pays du continent faisait l’objet d’une sélection. J’espère que mon travail sera à la hauteur des attentes des visiteurs.

Le thème de l’exposition c’est l’accès à l’énergie pour les tous les pays africains. Pensez-vous que la Mozambique est concernée par ce problème?

Je pense que oui. Une grande partie de la population n’a pas accès à cette énergie mais la situation est en train de changer progressivement. Il y a plus de personnes qui en ont maintenant accès, mais il reste encore beaucoup à faire.

Votre originalité repose sur le fait que vous utilisez des armes de guerre pour en faire des sculptures. Pourquoi ?

C’est en effet en transformant les armes de guerre en objets d’art que j’ai commencé à être connu. Ce sont des objets issus de la guerre civile qui a duré 16 ans au Mozambique. Après la guerre, le Conseil Chrétien du Mozambique a créé un projet qui consiste à échanger des armes de guerres contre des droits et de donner ces armes aux artistes qui eux les transforment en objets d’arts. Je faisais partie des artistes impliqués dans ce projet. Notre but n’était pas d’enterrer l’histoire mais de la montrer sous un autre angle en détournant un matériel capable de tuer pour le changer en un objet qui suscite la paix et la réflexion.

Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans votre travail ? Qu’est-il important pour vous de transmettre ?

D’abord, c’est transformer des armes de guerre, quelque chose capable de tuer en objet d’art. Ensuite, c’est amener les gens à réfléchir sur la peine que peut causer ce matériel et sa capacité à détruire le monde. Il est essentiel pour moi de créer et de transmettre aux autres mes préoccupations quotidiennes, mes opinions et de savoir que mon travail touche la sensibilité des gens.

Parmi tous vos travaux, quel est votre favori ?

J’ai fait pas mal de trônes qui sont tous spéciaux pour moi. Ma Tour-Eiffel entre autres a propulsé ma carrière et  a été acquise par un collectionneur français. Une Tour Eiffel réalisée au Mozambique et qui a pour destination la France.

Quels sont les sculpteurs africains que vous admirez ou qui vous inspirent ?

J’admire particulièrement le Sud africain Andries Botha. C’était mon professeur. Il y a d’autres artistes que j’admire : El Anatsui, Jane Alexander, Samuel Fosso, William Kentridge, Frédéric Bruly Bouabre, Marlène Duas, Titos Mabota, Chéri Samba et beaucoup d’autres encore.

Avez-vous un projet particulier sur lequel vous travaillez ou envisagez de travailler ?

En ce moment, je travaille sur un projet de monument pour la Banque Nationale du Mozambique.

L’oeuvre ci-dessous est notre coup de coeur. Pouvez-vous nous éclairer  ?

Cette pièce a été réalisé pour le projet « Lumières d’Afriques ». J’ai essayé de faire ressortir l’âme du projet. J’ai utilisé beaucoup de couleurs pour apporter de la lumière, ce qui contraste avec les armes de guerre, un matériel mort.

Découvrez les oeuvres de Gonçalo Mabunda sur son site internet : www.goncalo-mabunda.com

 

Lumières d’Afriques exhibition has just closed its door this Tuesday. If the light has turned off at the Chaillot National Theatre, it keeps on shining for the 54 African artists who has highlighted us, each on their own way, on the reality and living conditions in their respective countries. In addition to Aïda Muluneh and Nù Barreto who set out their visions, hopes and struggles for a better Africa, we keep in mind Napalo Mroivili’s artwork, « The Future » that sums up so well the everday life of African people. Actually, he has designed a broken bulb on a Comorian shawl that he has turned into a petroleum lamp so that to show that in face of adversity, there are always solutions. But it is undoubtedly, the Mozambican Gonçalo Mabunda who has conveyed us a strong message, filled with hope, through his artwork « Light at the end of the tunnel ». A message of peace that finds its meaning in this climate of fear in which we are currently living. Afrique sur scène has interviewed the artist who turns weapons into art pieces…

 

Tell us a little bit about yourself…What is your background ? When did you start showing interest in sculpture ?

I started to work at Nucleo de Arte (Artist Association of Mozambique) as a courier in 1992. For curiosity some time after I began to experiment with painting with the leftover material from other artists. In 1994 I became the assistant of Andries Botha at the workshop UJAMAA IV and after the workshop he suggested I go to South Africa to be trained in metal and bronze at Tecknicon Natal University. After this training I began to work with metal sculpture.

You represent Mozambique in « Lumière d’Afrique » exhibition that gathers the 54 African countries at Chaillot Nationale Theater in Paris. How do you feel with regards to your selection ?

I feel proud to be one of the artists selected and to represent my country. Specially because only one artist from each country of the continent was selected. I hope my work will fulfill the expectations.

The exhibition theme is the access to energy for all African countries. Do you think Mozambique is concerned about this ?

I think yes. The majority of the population does not have access to this energy but slowly this is changing, trying to reach more people. Yet, there is still much work to do.

Your originality relies on the fact that you use weapons for your sculptures. Why ?

It’s a fact that I became known for turning weapons in art pieces. This comes from the civil war in Mozambique, that lasted 16 years. After the war, in 1992, a religious organization, Christian Council of Mozambique, created a project that consisted in exchanging weapons for tolls and giving these to artists to turn this in art. I was one of the artists involved in this project. Our idea was not to burry history but to show it in another way, transforming deadly material in something for peace and reflexion.

What do you find exciting in your work ? What is important for you to convey ?

First, it’s transforming weapons, something deadly into art. Second, it’s making people think about the pain this material I use has brought to people and it’s capacity to destroy the world. It’s essential for me to create and convey to others my daily thoughts, my opinions and to have my work reached people’s sensitiveness.

Among your work, which one is your favourite ? Why ?

There are several thrones I have made that are special for me. My Eiffel Tower, that boosted my career and which was bought by a French collector. An Eiffel Tower made in Mozambique that goes to France.

Can you give us some examples of African sculptors that you admire or take inspiration from ?

I admire particularly Andries Botha from South Africa. He was my master. There are other artists I admire, as El Anatsui, Jane Alexander, Samuel Fosso, William Kentridge, Frédéric bruky Bouabre, Marlène Duas, Titos Mabota, Chéri Samba and many other ones.

Are you currently working on a particular project ?

At the moment I am working on a project to make a monument for the new Mozambican National Bank.

Your below picture is our crush. Can you highlight us about it ?

This piece was made for the project « Lumières d’Afriques », in which I tried to bring the soul of the project. I used a lot of colour to bring light contrasting with the weapons, a dead material.

Discover Gonçalo Mabunda’s artwork on his website : www.goncalo-mabunda.com

Lumières d’Afriques, Clap sur l’artiste plasticien Nù Barreto

 Nù Barreto est un artiste plasticien originaire de la Guinée Bissau. Ce passionné des arts découvre très tôt sa vocation au contact de son frère aîné qui l’initie au dessin. « La bande dessinée fut mon premier amour et mon compagnon de solitude imposé, un moment de communion entre l’art et moi », nous confie-t-il. Il quitte son pays à l’âge de 22 ans et s’installe en France pour étudier la photographie à l’école des Gobelins. Son oncle tente de le dévier de sa trajectoire, les métiers de l’art étant une voie difficile à embrasser. Malgré la relation conflictuelle qu’il entretient avec son oncle, le jeune guinéen s’accroche et réussit à boucler ses études. Après des débuts difficiles dans la photographie, Nù Barreto se tourne tout naturellement vers la peinture. La photographie me semblait assez statique et restreinte car elle n’apporte pas la possibilité d’ajouter des éléments importants pour permettre une lecture fluide et facile d’une œuvre (..) Par contre, la peinture et le dessin me permettent d’agir à ma convenance. L’invitation d’une amie à une exposition sera le point de départ de sa carrière artistique. Connu pour son travail d’artiste engagé, Nù dénonce dans la majorité de ses œuvres des problèmes de société. Aujourd’hui, son travail est exposé à l’international, notamment en France, au Portugal, en Espagne, au Brésil…Sélectionné pour représenter la Guinée Bissau à l’exposition Lumières d’Afriques, nous avons voulu en savoir plus sur l’artiste.

 

Vous représentez la Guinée-Bissau dans l’Exposition « Lumières d’Afrique » qui réunit les 54 pays Africains au Palais Chaillot à Paris. Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de votre sélection ?

C’est tout simplement une joie de partager son expérience et son histoire avec les autres. J’ai eu dans le passé d’autres occasions de représenter la Guinée-Bissau. C’est toujours un moment d’échange fantastique. J’espère simplement la représenter dignement en montrant les préoccupations des guinéens au monde entier.

Le thème de l’exposition c’est l’accès à l’énergie pour tous les pays africains. Pensez-vous que la Guinée-Bissau est concernée par ce problème?

La Guinée Bissau est logée à la même enseigne que le reste du continent. Depuis son indépendance en 1973, le problème d’énergie comme tant d’autres n’a jamais été pris en compte sérieusement. Ce crucial et vital problème a toujours été traité par intermittence, comme si la vie et le développement du pays n’en dépendent pas.

Nous sommes dans une période de légère amélioration qui pour moi est aussi le symbole de la fragilité. Il y a des lustres qu’on nous parle d’un projet de construction d’un barrage hydraulique qui aurait une capacité suffisante pour la sous région…We are still waiting.

Votre dernière série tourne autour de personnages qui flottent dans les airs. Comment vous est venu cette idée ?

Je serai toute ma vie lié amoureusement à ma culture. Je puise en elle mes raisons de décrire et crier mes amertumes. Que ce soit des causes universelles ou pas, j’essaie de puiser les sources nécessaires pour en être compris.

En Guinée-Bissau, lorsque vous n’avez aucun soutien, on dit que vous êtes lâché comme du pollen dans l’air, d’où l’expression en Créole « Largadu suma lã na bentu ».

Par errance, en quête de liberté et de sens, ces personnages tératologiques envahissent mes oeuvres depuis longtemps et m’aident à trouver une solution à mes questions.

Pouvez-vous nous parler de cette couleur grisâtre omniprésente dans cette série ?

La couleur « Pretu Funguli » (Noir Funguli) reflète un désarroi et une situation. Lorsqu’un individu n’utilise pas de lotion pour le corps, sa peau devient blanchâtre et sèche, ce qui donne un aspect grisâtre sur les personnes noires ébène. Ce phénomène qui touche ceux vivant dans une pauvreté extrême est propre à l’Afrique et témoigne d’un flagrant déséquilibre économique et social. Ce sont souvent les enfants qui sont victimes de cette carence. La couleur « Pretu Funguli » a été extraite de ce phénomène puis  transposé de manière à décrier le sens du mot « Funguli ». En créole guinéen, ce mot veut dire « avoir la peau blanchâtre ». Aujourd’hui, il est entré dans le langage courant et est utilisé pour séparer les classes sociales. Pour endiguer ce fléau, je dénonce donc cette inégalité avec ma couleur de coeur, le « Pretu Funguli ». Elle fait partie de ma création actuelle et je poursuis ma démarche de manière à trouver une issue favorable. Une issue de compréhension.

Quels sont les peintres africains que vous admirez ou qui vous inspirent ?

Je préfère parler de considération et non d’admiration dans certains cas. Mise à part l’engagement dans la criarde ligne idéologique que je défends. Je pense avoir un travail antagonique et particulier. Le vécu est personnel à chacun, nous avons tous une histoire et un rêve à partager.

Je ne m’inspire pas de personnes. Je compose avec les vécus ou les expériences des autres.

J’apporte une réelle considération pour le travail de Ernesto Shikani (Mozambique), El Anatsui (Ghana), Iba Ndiaye (Sénégal), Ernest Duku (Cote d’Ivoire), Jacob Yacouba (Sénégal) ou encore Manuel Figueira (Cap Vert), Ludovic Fadairo (Bénin), Freddy Tsimba (RDC), Braima Injai (Guinée-Bissau), Soly Cissé (Sénégal)… enfin la liste est longue. La tranquillité de l’expression de Piniang (Sénégal) me passionne énormément ! Certains parmi la longue liste, ont construit une démarche pleine de sens et un travail consistant tandis que d’autres, plus jeunes, font un remarquable travail.

Je ne saurai citer ma préférence tant la liste est vaste.

L’Afrique a des grands artistes.

Avez-vous un thème particulier sur lequel vous travaillez ou envisagez de travailler ?

Je ne me suis jamais imposé une thématique à aborder. J’ai souvent suivi mon instinct et j’avoue que l’humanité me donne assez à faire.

J’ai un travail très engagé qui résulte de ma volonté de défendre des causes.

Je développe encore le Prétu Funguli (Noir Funguli), car j’estime avoir encore tant de choses à produire pour dénoncer. Je laisse libre cours au destin de continuer à m’imposer des causes à défendre.

Le thème de l’identité pourrait être un prochain combat, parce que depuis pas mal de temps, je me pose beaucoup de questions à ce sujet. A voir…

L’oeuvre ci-dessus est notre coup de coeur. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

Il fallait aborder le thème de la Lumière sous deux angles différents. Premièrement, Lumière comme source et deuxièmement, Lumière comme potentialité ou capacité de s’assumer en tant qu’africain et être humain.

De ce fait, Sukuru  qui est le titre de l’oeuvre a subi deux étapes.

En voulant tester et démontrer le résultat du manque de lumière, j’ai abordé l’étape initiale dans la pénombre totale, exprimant parallèlement la difficulté que le manque de lumière nous inflige.

La deuxième lecture consiste à poser ces personnages dans une position de totale capacité de leurs moyens et de montrer une émersion, têtes hautes et sans complaisance vers un nouveau monde. Les personnages ne sont pas à la recherche de considération par compromis ou intérêt mais désirent être considérés à leur juste valeur.

Ces deux approches juxtaposées me semblent indispensable si l’on considère la lumière comme source mais aussi Lumière d’une projection. J’ai ajouté quelques collages de textes pour faciliter la lecture de l’oeuvre et permettre à chacun une libre interprétation.

L’idée de confronter et exprimer les deux sens d’une seule Lumière, semble propice au confrontations des objectifs de développement d’une société.

Donc la lumière reste une source indéniable dont on aura éternellement besoin.

Découvrez les oeuvres de Nù Barreto sur son site internet : www.nubarreto.com

 

Nù Barreto is a visual artist originated from Guinea Bissau. This man of arts and passion discovered his vocation from his elder brother who taught him how to draw at an early age. « Comic strip was both my first love and my companion in solitude, a moment of connection between arts and I », he says. He moved to France at 22 and studied at the Paris based School of the Image, in Gobelins. His uncle persuaded him to change his orientation as visual arts are not something easy to handle. Despite the conflicting relationship he had with his uncle, the young Guinean persevered and managed to finish his studies. After a tough start in photography, Nù Barreto naturally turned to painting. « Photography sounded quite static and limited because it does not bring the possibility to add elements that allow you to have a clear and easy reading of the artwork (…) By contrast, painting and drawing can offer you the opportunity to act at your convenience ». The invitation to an exhibition from a friend of his will be the starting point of his artistic career. Known for his work of an engaged artist, Nù denounces social issues in most of his paintings. Today, his artwork is exhibited all over the world : France, Portugal, Spain, Brazil… Nominated to represent Guinea Bissau at Lumières d’Afriques Exhibition, Afrique sur scène wanted to know some more about the artist.

You represent Guinea Bissau in « Lumière d’Afrique » Exhibition that gathers the 54 African countries at Chaillot Nationale Theater in Paris. How do you feel with regards to your nomination ?

It is simply a great joy to share my experience and my story with others. In the past, I had other opportunities to represent Guinea Bissau. It is always a fantastic moment of exchange. I hope I will be a dignified representative and will be able to show Guinean concerns to the whole world.

Acces to energy for all African countries is the theme of  the exhibition. Do you think Guinea Bissau is concerned by this issue ?

Guinea Bissau is in the same boat as the rest of the continent. Since it recovered its independence in 1973, the energy issue, as well as many other ones, has never been taken into account seriously. This crucial and vital problem has always been addressed in an intermittent manner, as if life and development do not depend on it.

We have entered a period of slight improvement that is, in my eyes, a symbol of fragility. We have been waiting for ages, an hydraulic dam construction project that would have enough capacity for the sub-region…We are still waiting.

Your latest serie is about characters that appear to float in the air. How does this idea come out to you ?

I will be faithfull to my culture all of my life. I draw my inspiration from it to describe and express my resentments. Whether they are universal causes or not, I try to get enough inspiration from it so that to be  understood.

In Guinea Bissau, when you have no support, we say that you are released like pollen into the air, hence the Creole expression « Largadu suma lã na bentu ».

Wandering in search of freedom and meaning, those teratotolgy characters have been invading my artworks for a long time and have helped me find a solution to my questions.

Could you tell us more about the « Pretu Funguli », this greyish colour that defines your style for this serie ?

The « Preto Funguli » colour generates both a disarray and a situation. When an individual does not use body lotion for his skin, the latter becomes whitish and rough, providing that greyish aspect especially on dark skinned persons. This phenomenon that affecting people who are living in a severe poverty is specific to Africa and reveals an economic and social stark imbalance. Children are often the victims of this void. The « Pretu Funguli » colour has been extracted from this phenomenon and then transposed so that to denounce the meaning of the word « Funguli ». Guinean Creole defines that word as « having a whitish skin ». Today, it has entered the language and is used to separate social classes. To curb this problem, I am denouncing this inequality with my heart colour, the « Pretu Funguli ». It is part of my current creation and I continue my mission seeking a favourable outcome that ensures a thorough understanding.

Who are the African visual artists that you admire or take inspiration from ? 

I prefer talking about consideration and not admiration, in some cases. Aside for the involvment into the pressing ideological line that I have been defending. I think I have an antagonistic and particular work. Lived experience is something personal to eah of us. We all have a story and a dream to share. I do not draw inspiration from anyone. I am coping with the lived experience of others.

I have a real consideration for the work of Ernesto Shikani (Mozambique), El Anatsui (Ghana), Iba Ndiaye (Senegal), Ernest Duku (Ivory Coast), Jacob Yacouba (Senegal) ou encore Manuel Figueira (Cape Verde), Ludovic Fadairo (Benin), Freddy Tsimba (DRC), Braima Injai (Guinea-Bissau), Soly Cissé (Senegal)… the list is endless. The relative calm of Piniang’s expression (Senegal) passionates me a lot. Among this long list some of them have constructed an important path filled with meaning while other youngers have done an impressive work.

It is difficult to choose my favourite one as the list is so long. Africa has got great Artists.

What are you working on now or what are you planning to work on in the future?

I never impose myself a theme to undertake. I often follow my instinct and I must admit that humanity provides me enough to do. I have an engaged work that comes from my willing of defending causes.

I am still developing « Prétu Funguli  » (Black Funguli) because I think I still have a lot to produce if I wish to to denounce things. I hope destiny will keep on imposing me causes to defend.

The identity theme could be my next struggle because I find myself continually questioning about it.  We will see…

Your above artwork is our crush. Can you highlight us about it ?

I have to undertake the Light theme under two angles. First, Light as a source and second Light as a potential or an ability to assume oneself as an African or a human being.

As a result, Sukuru which is the artwork’s title has required a two step process.

While wanting to test and proving the result from the lack of light, I started the first step by working on the shadows, expressing at the same time the difficulty that situation could cause.

The second step consisted in having those characters in full possession of their faculties and showing an emersion, head-up without fear or favour towards a new world. The characters are not looking for compromise. They just want to be considered at their fair value.

A side-by-side comparison sounds essential if we consider Light as a source and also Light as a projection. I added some collages of newspapers so that to have an easy reading of the artwork and allow people to have their own interpretation.

The idea of confronting and express the two meanings of one Light sounds favourable to a society’s development goals.

Thus, Light remains a key source that will be needed forever.

Discover Nu Barreto’s artwork on his website : www.nubarreto.com